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matériel roulant des lignes qu’il exploite et l’usure doit être très considérable à raison du nombre presque incroyable de kilomètres que chaque véhicule parcourt chaque année, ainsi que le constate un autre tableau dressé par la commission. Aussi, le public se plaint-il du délabrement de ce matériel, qu’on n’a point le temps de remettre en bon état. Le développement constant du trafic a pour conséquence de le rendre de plus en plus insuffisant et un concert de plaintes s’élève régulièrement chaque année aux époques de la moisson et de la vendange, lorsqu’il devient impossible aux agriculteurs d’expédier leurs produits. Au mois de septembre dernier, un journal de Milan jetait un cri de détresse et de colère à la fois sur l’encombrement des gares de Lombardie, où les produits s’entassaient sans qu’il fût possible aux expéditeurs d’obtenir des wagons. Quelques semaines plus tard, le 10 octobre, un avis officiel affiché dans les gares de la Haute-Italie prévenait le public que le service des transports était suspendu, hormis pour les raisins et les autres denrées susceptibles de détérioration. Les journaux italiens jetèrent feu et flammes contre le gouvernement et contre l’administration des chemins de fer, puis cette colère tomba peu à peu et s’éteignit pour renaître au prochain et inévitable encombrement des lignes.

Bien que les voyageurs soient le principal élément des recettes sur les lignes italiennes, ils ne sont pas plus favorisés que les marchandises. Les voitures de première classe des chemins méridionaux sont les seules qui offrent quelque confortable ; sur les autres réseaux, elles sont incommodes, mal entretenues et il semble que l’extérieur n’en soit lavé, que les coussins n’en soient brossés et battus qu’à l’occasion des voyages officiels. Les voitures de seconde et de troisième classes sont des fourmilières de punaises et d’insectes ; ce petit monde y est-il un produit spontané ou une importation, le résultat est le même. Aucun avertissement utile n’est donné aux voyageurs ; aussi faut-il avoir l’œil et l’oreille au guet et se faire renseigner exactement sur les transbordemens, qui sont fréquens. Pour aller de Pise à Florence par Lucques, il faut monter dans le train qui va de Pise à Bologne et qui a des voitures spéciales pour les voyageurs à destination de Florence ; mais ces voitures sont détachées du train à Pistoïa et laissées sur la voie ; les voyageurs doivent descendre et monter quelques minutes plus tard dans le train qui vient de Bologne et va à Florence. Aucun avis n’est donné, et cet avis serait d’autant plus nécessaire que ce changement a lieu à une heure avancée de la soirée. Nous avons vu une trentaine de braves gens qui étaient demeurés paisiblement dans deux wagons de seconde classe et qui auraient pu y rester