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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/475

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constatent, les réserves de la plupart des orateurs et les votes eux-mêmes l’attestent, les concessions que M. le président du conseil a été obligé de faire le prouvent. Quant aux solutions qui ont quelque chance de prévaloir et auxquelles le gouvernement paraît disposé à se rallier, elles ne tendent qu’à affaiblir le contrôle financier du sénat dans un moment où il faudrait plutôt le fortifier, et à confondre, à troubler les conditions de l’électorat sénatorial sans les élargir. La conclusion, c’est que le sénat n’a en vérité rien de mieux à faire que de suivre son premier mouvement, de se refuser à une révision sans garanties pour lui, sans avantages pour l’ordre constitutionnel. Que risque-t-il ? Il aura servi plus qu’on ne pense peut-être le gouvernement et les institutions. Il s’expose, dit-on, à provoquer une campagne révisionniste plus violente que jamais. Ce n’est pas bien sûr, cela se peut cependant. Il sera, après tout, attaqué par ceux qui, même aujourd’hui, veulent, non le réformer, mais le supprimer. Il se défendra par la manifestation la plus modérée et la plus simple d’une autorité qui a sa place dans la constitution. S’il cède aujourd’hui, s’il se laisse entraîner ou intimider, il va évidemment à une aventure ; il porte au congrès la soumission d’une assemblée qui doute d’elle-même ; et qui peut lui garantir que, fût-il respecté dans son existence, il ne sortira pas de ce congrès avec une dignité amoindrie, avec des prérogatives diminuées ? Qui peut, de plus, assurer au gouvernement que, sous prétexte de poursuivre une réforme douteuse, il ne court pas à un danger que M. le président du conseil lui-même a signalé, le danger d’un congrès prolongeant ses pouvoirs outre mesure, soulevant toutes les questions, agitant, et inquiétant le pays ?

C’est bien la peine de se mettre étourdiment à cette révision, qui n’aurait rien perdu à être ajournée, à être accomplie dans des conditions plus sérieuses de maturité, de se créer inutilement de tels embarras au moment où les affaires de Chine se réveillent, où les affaires d’Egypte sont loin d’être finies pour notre diplomatie ! Lorsque le traité signé au mois de mai à Tien-Tsin était porté avec un certain apparat aux chambres par M. le président du conseil, on a pu croire un instant que tout était terminé, que nos différends avec la Chine avaient cessé, que le protectorat français allait pouvoir se déployer désormais sans contestations dans ces contrées du Tonkin et de l’Annam. C’était une illusion qui n’a pas duré longtemps, qui s’est évanouie à la première tentative faite pour occuper les positions assurées par le traité.

Le jour où une petite colonne française a été envoyée pour prendre possession de la ville de Lang-Son à l’extrême frontière, elle a rencontré sur son chemin des forces régulières chinoises qui ont ouvert le feu sur elle presque par surprise ; elle a été obligée de se replier sur Bac-Lé, après un combat inégal de deux jours où le sang français a de nouveau coulé. Chose curieuse ! jusque-là il n’y avait point eu