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en 1880 un sénateur catholique[1], devint le point de départ de la scission du parti catholique. On croirait qu’elle n’eût dû être combattue que par les avocats de la démocratie ou par les défenseurs des droits de l’état. Nullement, elle compta parmi ses plus ardens adversaires la principale feuille religieuse, l’Univers. Il est vrai que, près de certains libéraux de 1830, tels que M. de Rémusat, cette opposition ne fut pas étrangère au succès de la loi, en rassurant les hommes inquiets des prétentions ultramontaines. « Les attaques de l’Univers nous ont valu cinquante voix, » me disait à ce propos M. de Falloux[2].

Cette loi qui, d’après la gauche, livrait la France à l’église et aux jésuites, l’organe le plus répandu des catholiques la déclarait a une déception, une défaillance de la raison et de la conscience, un pacte avec le mal, une monstrueuse alliance des ministres de Satan avec ceux du Christ. » Que lui reprochaient les intransigeants de droite ? Ils lui faisaient au fond le même procès que les démocrates de gauche, tant il es vrai que les partis extrêmes ont même esprit et même méthode ! Ils lui reprochaient de rompre l’unité morale de la France, réclamant l’unité religieuse comme d’autres l’unité nationale, prétendant jeter les générations dans un moule uniforme et mettre sans partage la main sur les âmes. Ils accusaient M. de Falloux d’avoir sacrifié les principes et proclamé le dogme de l’indifférence religieuse. Ils s’élevaient en particulier contre le droit d’inspection de l’état, réduit pourtant au minimum. Ils allaient jusqu’à s’irriter de la présence des évêques au milieu des incrédules du conseil de l’instruction publique. Rien ne trouvait grâce devant l’incurable défiance des purs, ni la loi, ni ses auteurs, ni M. de Falloux, ni Montalembert, ni M. Dupanloup, que, dans sa correspondance, Louis Veuillot signalait comme le mauvais génie de Montalembert. Bien plus, le père de Ravignan, qui, en cela, comme d’habitude, marchait d’accord avec M. Dupanloup, se vit dénoncer à Rome, auprès du général des jésuites, comme un des fauteurs de ce projet de loi schismatique, pour avoir apporté aux fils de Voltaire le scandaleux concours des fus de Loyola[3]. Il ne fallut rien moins que l’intervention directe du Vatican et du nonce, sur la demande d’un grand nombre d’évêques, pour faire taire l’opposition de la feuille ultramontaine. Si grande que se

  1. Discours de M. Chesnelong en mai 1880.
  2. C’est du reste à l’occasion de la liberté d’enseignement que s’étaient manifestées, dès avant 1848, les premières divergences publiques des catholiques. L’Univers avait déjà, en 1847, pris M. Dupanloup à partie pour ses concessions aux universitaires et à l’état. (Lagrange, t. 1, p. 414-415.)
  3. Vie du père de Ravignan, par le père de Ponlevoy, t. II, chap. XX.