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L’ANTHROPOPHAGIE
ET LES
SACRIFICES HUMAINS

En étudiant les longues annales de l’humanité, on est véritablement épouvanté de la férocité que recèle le cœur de l’homme. Cette férocité est écrite en lettres de sang à chaque page de l’histoire, et nous rencontrons les mêmes instincts brutaux dans les régions les plus éloignées où nos pionniers, missionnaires, négocians ou simples voyageurs pénètrent pour la première fois, comme dans les pays que nous habitons. Ils se montrent dès les débuts de l’homme sur la terre, et ni l’adoucissement des mœurs, ni le progrès des lumières ne parviennent à les détruire. Pour n’en citer qu’un seul exemple, quelque douloureux que le souvenir puisse en être pour nous, qui donc peut oublier le massacre de malheureux prisonniers deux fois renouvelé à moins d’un siècle de distance et qui reste la honte de notre capitale?

L’anthropophagie est le terme extrême de cette férocité; nous la voyons persister, à travers les siècles, chez les peuples civilisés comme chez les peuples barbares, dans les pays riches et fertiles, au milieu d’une nature opulente, comme dans les régions arides et les déserts glacés, où la lutte pour la vie atteint ses dernières limites. Presque toujours, les festins de cannibales étaient précédés de sacrifices non moins odieux. Ces récits sont humilians ; ils ont du moins le résultat salutaire d’abaisser l’orgueil de l’homme, en lui montrant quels progrès la civilisation, dont nous sommes si