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avec ardeur, parviendront sûrement à les affirmer et à les compléter.


IV.

Si les sacrifices humains et les repas de cannibales ont existé dans le passé le plus lointain, nous les voyons, hélas! se continuer dans les temps plus modernes et persister même aux jours où nous vivons, alors que l’univers entier semble s’ouvrir au génie de l’homme et à la civilisation européenne. Aujourd’hui, du moins, ces tristes scènes sont plus rares et ne se voient que chez quelques tribus barbares de l’Afrique ou de l’Australie, chez quelques descendans de ces Américains dont nous avons raconté en frémissant la férocité. Stanley, dans ses voyages au centre de l’Afrique, entrepris avec tant de dévoûment et accomplis avec tant de courage, rencontra, en remontant le fleuve Livingstone, de nombreuses tribus cannibales, et cela au milieu du pays le plus fertile, au milieu de pâturages où les bestiaux abondaient. Les huttes des noirs étaient ornées de crânes et de tibias, et, à plusieurs reprises, il fut attaqué au cri sinistre : De la viande ! de la viande ! Le colonel Mechow a pu descendre le Coango, un des affluens du Congo, jusqu’au 5e degré de latitude sud; là, ses compagnons, effrayés des menaces de peuplades anthropophages, refusèrent de l’accompagner plus loin. Écoutons M. Flouest : « Le Pahouen, dit-il en racontant son exploration de l’Ogooué, est cannibale et d’une cruauté inouïe. Malheur aux prisonniers ! ils sont impitoyablement suspendus dans des filets au-dessus de grands feux et lentement enfumés. » D’autres explorateurs parlent à leur tour de membres humains proprement dépecés et exposés en vente. Savorgnan de Brazza affirme, il est vrai, l’exagération de ces faits; il prétend que les habitans de l’Ogooué et du Gabon ne mangent que la chair des ennemis tués dans le combat ; chez eux, le cannibalisme offrirait donc des circonstances atténuantes.

Dans les parties de l’Afrique centrale aujourd’hui mieux connues, dans le Dahomey, ou dans le pays des Achantis, par exemple, les sacrifices humains existent depuis un temps immémorial et le sang des victimes est versé avec tous les raffinemens d’une barbarie atroce. Il semble que, chez ces hommes, toute sensibilité est émoussée, qu’ils ne connaissent point la pitié et qu’ils ne comprennent point la douleur. C’est avec du sang humain mêlé à de l’argile que doivent être construits les temples élevés en l’honneur de leur roi. Il y a quelques mois à peine, mourait Quacow-Duab, le successeur