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les politiques, de tous les nouvellistes de l’Europe. Que s’était-il passé entre ces souverains réunis avec leurs chanceliers dans un château de Pologne ? Y avait-il eu quelque traité mystérieusement négocié, des combinaisons nouvelles modifiant les relations générales de l’Europe ? Quel était, en définitive, le secret de cette rencontre préparée avec un certain art et non sans ostentation, de cette apparence de résurrection d’une alliance des trois empereurs ? Le secret vient d’être dévoilé plus ou moins, d’abord devant les parlement hongrois, qui a commencé sa session il y a quelques semaines, puis devant les délégations austro-hongroises réunies ces jours derniers ; les obscurités ont été dissipées, autant qu’elles pouvaient l’être, par l’empereur François-Joseph dans les allocutions qu’il a prononcées à Buda-Pesth, par le président du conseil de Hongrie, M. Tisza, par le ministre des affaires étrangères de l’empire, le comte Kalnoky. Les Hongrois, qui avaient eu quelque inquiétude de cette entrevue des trois empereurs, qui étaient impatiens de savoir à quoi s’en tenir sur les relations de l’Autriche, sur le degré de cette intimité renaissante avec la Russie, les Hongrois ont eu les premiers les explications publiques, officielles qu’ils désiraient, et ces éclaircissemens n’ont rien qui n’eût été déjà pressenti. Il n’y a point de secret, il n’y a point de mystère ; il n’y a eu à Skierniewice que ce qu’un euphémisme de diplomatie a pu appeler « un épisode pacifique qui n’est point eu contradiction avec les tendances du passé. »

La vérité, telle que le comte Kalnoky l’a exposée et avouée devant la délégation hongroise, comme devant la délégation autrichienne, c’est que, depuis le traité de Berlin, les rapports de l’Autriche et de la Russie éiaient resiès difficiles, c’est qu’il y a eu, à un certain moment, entre les deux empires, une assez sérieuse tension aggravée par des excitations d’opinion. L’entrevue de Skierniewice, qui a réuni trois puissans empereurs, a eu précisément pour objet d’atténuer cette tension, de mettre fin à des malaises toujours périlleux. Il n’y a point eu de protocoles, de traités, de conventions nouvelles. On s’est entendu sur les principes ; on est convenu de résoudre toutes les questions qui pourraient surgir dans les Balkans ou ailleurs d’un commun accord, dans un esprit pacifique, conformément aux traités qui règlent la situation européenne Le résultat, pour l’Autriche, est de rétablir des rapports plus aisés avec un puissant voisin, de « mettre une des frontières de l’empire à l’abri de toute inquiétude, » en atténuant les antagonismes, qui peuvent être une source de difficultés en Orient. C’est là l’importance de l’entrevue de Skierniewice. Est-ce à dire qu’en se rapprochant de la Russie, l’Autriche soit moins intimement liée avec l’Allemagne ? Tout cela s’est fait d’intelligence. Le cabinet de Berlin n’a point été étrancrer au rapprochement, et l’entente nouvelle avec la Russie n’a pu évidemment altérer ou affaiblir les rapports par-