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son habileté à s’unir avec elle dans une étroite neutralité. Divisées naguère, aujourd’hui réconciliées, elles avaient intérêt à se concerter et à combiner leur action diplomatique. Dans les deux pays il se manifestait un double courant ; les uns se prononçaient pour la France, le plus grand nombre réclamait la neutralité.

La presse et les agens aux gages de la Prusse, dans la péninsule, n’avaient pas attendu que la guerre fût officiellement déclarée pour se mettre à l’œuvre. Ils s’attaquaient à notre esprit de conquête ; ils nous rendaient responsables des ruines qui allaient s’amonceler ; ils prêchaient l’abstention, organisant des manifestations populaires pour impressionner le gouvernement, le paralyser dans ses pourparlers avec la cour des Tuileries, et lui imposer la neutralité.

Le 17 juillet, des démonstrations éclataient dans tous les grands centres de l’Italie. Des placards affichés dans les rues de Florence faisaient appel au peuple ; on l’invitait à exprimer hautement et par tous les moyens l’intention de ne pas participer à la guerre provoquée par la France. Des rassemblemens se formèrent sur la place du Dôme ; des orateurs de carrefour haranguèrent la foule, qui se mit en mouvement, précédée d’un drapeau italien. Après avoir stationné et vociféré devant le ministère des affaires étrangères, les manifestans se portèrent aux Cascines, devant la légation de France. Ils criaient : « Vive la Prusse ! vive la neutralité ! vive Rome ! à bas Mentana ! » Sur d’autres points, on criait : « A bas la France ! » Il fallut l’intervention des bersaglieri pour couper court à ces scènes scandaleuses, pour disperser les perturbateurs et protéger le palais qui abritait le drapeau français. Le gouvernement nous exprima ses regrets, il nous fit des excuses ; nos amis furent consternés ; ils pressentaient que les liens qui unissaient depuis de si longues années les deux pays allaient se rompre.

Le roi, qui était reparti joyeusement pour ses chasses de Valtieri, après avoir reçu, le 11 juillet, une dépêche de l’empereur annonçant que la guerre était heureusement conjurée, revint précipitamment à Florence dès qu’il apprit que le corps législatif avait voté le rappel immédiat des réserves.

Quelle serait la politique de l’Italie ? Ajournerait-elle ou précipiterait-elle ses préparatifs militaires ? Se prononcerait-elle immédiatement pour la France, ou bien réglerait-elle sa politique sur la marche des événemens ? Ces graves questions se posèrent d’elles-mêmes dans le conseil que présida le roi le 16 juillet. Tout le monde fut d’accord sur l’urgence des armemens ; le difficile était d’arrêter un programme politique. Ce n’était pas tout d’armer ; il importait de savoir dans quelle pensée et dans quel dessein. « Les