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partisans de la paix, écrivait M. de Malaret, réclament des préparatifs militaires pour permettre à l’Italie de faire respecter sa neutralité ; les partisans de la Prusse les demandent pour mettre l’Italie en état d’imposer la paix à la France si elle devait abuser de la victoire ; nos amis estiment, au contraire, que seuls nous serons appelés à profiter des armemens. » La raison d’état et les sentimens chevaleresques se combattaient dans les conseils de la couronne. Le roi et les généraux demandaient à faire campagne avec la France. M Nous ne sommes pas prêts, peut-être serons-nous battus, s’écriait le général de La Marmora ; mais l’alliance de la France et de l’Italie sortira indissoluble de leurs communes défaites[1]. » Les ministres étaient hésitans, partagés. M. Visconti-Venosta, le ministre des affaires étrangères, se prononçait pour l’alliance ; le ministre des finances était pour la neutralité. M. Sella, qui était l’âme du cabinet, trouvait peu sage de se prononcer ab irato ; il n’admettait pas que l’Italie, par simple reconnaissance, dût se jeter dans la guerre sans discuter les chances auxquelles elle s’exposait, sans stipuler des compensations comme prix de ses sacrifices. Rien ne pressait d’ailleurs ; l’Italie était libre de tout engagement contractuel, et le gouvernement français, en provoquant des complications sans la pressentir, avait indiqué suffisamment qu’il n’attachait que peu de valeur à son assistance.

Il est un point qui ne faisait de doute dans l’esprit d’aucun des ministres, c’est qu’il fallait profiter des événemens pour affranchir Rome de l’occupation française. Ils espéraient mieux encore, mais pour le moment ils se bornaient à réclamer officiellement le retour à la convention du 15 septembre, ce qui impliquait le retrait de notre corps expéditionnaire. Ils s’en remettaient pour le reste à l’étoile de l’Italie : vlla Stella dell’ Italia ; surtout à leur savoir-faire. Ils sentaient qu’ils avaient le vent en poupe et que tout conspirait pour eux. La question romaine, grâce aux jésuites, était arrivée à maturité. Pie IX s’était aliéné par le Syllabus les catholiques éclairés, il avait rompu au concile avec les gouvernemens. Le pouvoir temporel n’avait plus de sérieux, d’ardens défenseurs qu’en France. Sa chute était fatale.

Par une dérision du destin, on proclamait à Rome l’infaillibilité personnelle, absolue du pape, le 20 juillet, le jour même de la

  1. Lea généraux Menabrea, Pallavicinl et Cialdini étaient, comme le général de La Marmora, fidèles aux souvenirs de Solférino. Le général Cialdini reprocha à la chambre, au ministère, de n’avoir pas prévu la guerre ; il l’accusa d’avoir laissé péricliter l’armée ; il mit le gouvernement en demeure de se prononcer immédiatement et résolument pour la France. Il s’exprima avec une telle véhémence que M. Sella l’interrompit et lui dit : « C’est donc au pronunciamiento que vous voulez faire ? »