Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déclaration de guerre. Un homme s’était fait dieu au milieu du formidable bruit d’armes qui venait soudainement de retentira traders l’Europe. Il devenait l’arbitre souverain des peuples et des rois, il enchaînait les consciences, son autorité n’avait plus de bornés. Il est permis de croire que les remontrances de la presse, les protestations de la diplomatie, l’opposition de trois cents évêques les plus éclairés de l’épiscopat, ne seraient pas restées sans effet si le concile avait eu à se prononcer quelques jours plus tard. À quoi tiennent les dogmes de l’église et les destinées des états !


IX

L’empereur ne partageait pas l’imperturbable quiétude de son ministre des affaires étrangères. Il avait une haute idée de l’armée prussienne, de ses chefs et de son patriotisme. Il prévoyait que la guerre serait longue, meurtrière, il lui en coûtait de l’entreprendre sans alliés. « N’exposez jamais la France à un conflit, sous aucun prétexte, sans de solides alliances, » lui avait dit souvent le maréchal Niel ; et les alliances dont il se croyait sûr devenaient chaque jour plus incertaines. Les événemens marchaient plus vite que les négociations. M. Nigra et le prince de Metternich, si affirmatifs jadis, tenaient un langage hésitant, dilatoire.

L’empereur, s’appuyant sur les pourparlers poursuivis entre Paris, Vienne et Florence et sur les lettres qu’il avait échangées avec François-Joseph et Victor-Emmanuel, proposa un traité d’alliance offensive et défensive en trois articles, fondé sur le projet que le marquis de Lavalette avait trouvé insuffisant au mois de juin 1869. Le prince de Metternich en référa à son gouvernement, et le comte Vimercati partit pour Florence, muni d’instructions verbales et d’une lettre autographe pour son souverain. L’empereur offrait à l’Italie, en échange de son concours, le retour pur et simple à la convention du 15 septembre, c’est-à-dire le retrait de notre corps expéditionnaire. Il confiait le pape à la garde de l’Italie. Il lui était difficile de concéder davantage ; il ne pouvait pas froisser les catholiques dans leur foi religieuse à l’heure où il faisait appel à leur patriotisme. Mais il était bien évident que la France ne reviendrait pas une troisième fois dans les états pontificaux et que le départ de nos troupes assurait à l’Italie, dès à présent, la possession morale de Rome.

L’empereur se flattait que cette concession, qui coûtait d’autant plus à son amour-propre qu’il la faisait sous la pression des événemens, permettrait au roi de vaincre les hésitations de ses conseillers. Il s’exagérait malheureusement son autorité.