cherchent de bonne foi un remède à nos misères dans de nouveaux arrangemens des sociétés, mais je les défie de supprimer ou d’alléger la besogne du mineur : et alors ? — Ici, comme toujours, l’homme demande sa libération à qui ne peut la lui donner, il ne comprend pas qu’elle lui viendra par des voies détournées. Les vrais socialistes, ce ne sont pas les politiques, les discoureurs, les songe-creux : ce sont les modestes savans qui étudient dans leur laboratoire les secrets du transport de la force électrique et de sa triple transformation ; l’un d’eux réalisera le songe prophétique d’Eschyle, il nous rendra l’étincelle de Prométhée, la disposition de cette vertu première et souveraine qui préside à la vie de l’univers, qui est comme la pensée de la matière ; instantanée, inépuisable, répandue partout sous notre main, docile au geste d’un enfant ; toujours prête sur notre ordre a mouvoir, à luire, à embraser. Celui qui l’aura captée ne guérira pas tout ce qui est inguérissable dans la condition humaine, mais il abolira la plus dure forme du travail ; alors on fermera la mine, on ne mettra plus dans la terre que les morts ; les vivans gagneront leur pain sous le ciel, leurs bras guideront sans trop de fatigue les machines, animées par une puissance immatérielle.
Oui, je crois que cette âme future de l’industrie corrigera ce qu’il y a d’excessif dans le labeur moderne et apaisera la plainte légitime qu’il provoque ; mais le poids sera encore trop lourd si une autre âme n’aide à le supporter. Ce qui m’effraie dans la physionomie actuelle du travail, c’est ce trait purement utilitaire, ce je ne sais quoi d’implacable, de bas et de courbé vers la terre qui avilit cette noble peine. Nous avons déchaîné des forces redoutables ; épouvantés de notre création, nous nous humilions devant elle, nous ne voyons plus rien au-dessus ; ceci aussi est un moment de transition, la première ivresse et la première peur de l’enfant qui a fait jaillir du feu. Notre usine est triste, accablante, parce que nous ignorons sa poésie et sa prière. Jadis, il n’en eût pas été ainsi. Quand les anciens discernaient les forces de la matière, ils avaient hâte de les spiritualiser pour n’en être pas écrasés ; les Grecs ne séparaient pas les élémens de leur signification morale et religieuse ; les gens de Byblos ou de Memphis voyaient dans les puissances de la nature, qu’ils connaissaient fort bien, autant de représentations du monde spirituel. Suivant les livres hindous, Brahma, le travailleur éternel, créa la terre en regardant sa propre image dans l’océan de sueur découlé de son front. Si ces peuples avaient connu les pouvoirs nouveaux qui nous sont dévolus, ils auraient exprimé la relation de ces merveilles avec les mystères de l’âme, ils auraient compris que les lois de la matière ne sont que