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reconnaître cette fidélité, que le traité d’alliance entre Rome et Lauréate serait renouvelé tous les ans, à un jour déterminé. Il faut croire que, dans ce pays où rien ne se perdait, il restait encore, au temps de l’empereur Clande, quelque vestige de d’ancienne cérémonie. On a trouvé à Pompéi une inscription de cette époque où un certain Turranius, personnage vaniteux et pédant, qui paraît avoir beaucoup recherché les dignités religieuses, nous apprend qu’il a été désigné par le peuple de Laurente pour renouveler la vieille alliance avec le peuple romain. Mais ces souvenirs d’un passé glorieux n’empêchaient pas la ville de se dépeupler, et nous avons vu qu’on finit par la réunir à Lavinium, ce qui prouve qu’elle n’avait plus alors beaucoup d’importance. On ignore à quel moment précis elle acheva de disparaître.

Depuis la renaissance, les érudits se sont occupés d’elle à diverses reprises, et ils ont cherché à savoir où elle devait être. On l’a placée surtout à deux endroits différens, situés à peu de distance l’un de l’autre, à la ferme de Tor-Paterno, ou près de Capocotta. Reprenons à notre tour la question et parcourons la contrée pour voir quel est le lieu qui s’accorde le mieux avec les descriptions de l’Énéide. Ce petit voyage, par lui-même, n’est pas sans agrément : le pays est curieux, mal connu, plein de grands souvenirs, et je crois que nous n’aurons pas à nous plaindre de nous y être hasardés, quel que soit le succès de nos recherches.

Ce que nous avons de mieux à faire pour ne pas nous égarer en route, c’est de nous mettre tout à fait à la suite de Virgile. Il suppose que le premier souci d’Énée, dès qu’il a pris terre sur les bords du Tibre, est de se concilier l’amitié des gens du pays. A cet effet, il choisit cent de ses compagnons qu’il envoie, sous la conduite du prudent llionée, pour saluer le roi Latinus et lui demander son alliance. Ils partent à pied pour Laurente, accomplissent leur ambassade et sont de retour dans la journée. C’est la preuve que la ville de Latinus n’est pas fort éloignée, et tout d’abord nous sommes rassurés sur la longueur du voyage que nous allons entreprendre. Nous voilà donc partis d’Ostie, comme l’ambassade d’Énée, et suivant le rivage. A près de 4 kilomètres, un canal assez large, qui écoule dans la mer les eaux du stagno di Levante, nous barre le chemin. Dans l’antiquité comme aujourd’hui, on passait ce canal sur un pont, et l’on a découvert près de là une inscription qui rapporte que certains empereurs (probablement Dioclétien et Maximien) ont réparé ce pont, qui tombait en ruine, et qu’ils l’ont fait dans l’intérêt des habitans d’Ostie et de ceux de Laurente (Pontem Laurentibus atque Ostiensibus vetustate conlapsum restituerunt). Le canal formait donc la séparation entre le territoire des deux