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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/778

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en nous les idées. Je vous conseille donc, quand vous irez à la chasse, d’apporter, avec vos provisions, des tablettes pour écrire. Vous reconnaîtrez par votre expérience que ce n’est pas seulement Diane qui se promène dans les bois et qu’on y rencontre quelquefois aussi Minerve. » Les choses n’ont pas beaucoup changé dans la selva Laurentina depuis le temps de Virgile et de Pline ; les sangliers y abondent toujours, et le roi d’Italie n’a pas de plus grande distraction que de quitter sa sévère résidence de Rome pour aller y chasser de temps en temps.

Le long du rivage, entre la forêt et la mer, s’étend une plaine sablonneuse, bordée par une rangée de dunes, que les gens du pays appellent tumoletti. Elle est complètement inhabitée ; de Castel-Fusano à Tor-Paterno, pendant près de 9 kilomètres, on n’y trouve pas une maison, et rarement on y rencontre une figure humaine. C’était pourtant autrefois un des lieux les plus peuplés et les plus agréables du monde ; nulle part peut-être on ne trouvait réunies et rapprochées tant de riches maisons de campagne. Pline nous dit « qu’elles se succédaient les unes aux autres, tantôt séparées, souvent contiguës, et qu’elles semblaient former autant de petites villes. » Est-ce à dire que la nature du sol ou les conditions du climat aient changé et qu’on y fût alors moins exposé au terrible fléau de la fièvre ? Il faut bien le croire, puisque ce pays qui était si peuplé est devenu un désert. Mais le changement n’a pas été si complet qu’on le prétend d’ordinaire, et l’on peut soupçonner que, même à cette époque, il n’était pas sans péril d’y habiter. Pline dit en propres termes « que la côte d’Etrurie, dans toute sa longueur, est dangereuse et empestée ; » et nous savons par Strabon que le pays de Terracine, de Setia, d’Ardée, et en général tout ce rivage était marécageux et peu salubre. Mais il est clair que le mal était beaucoup moins grave qu’aujourd’hui, car Strabon ajoute aussitôt « que le séjour en est cependant agréable et qu’on ne voit pas que la terre y soit moins bien cultivée. » C’était sans doute cette culture qui assainissait le sol, et sans vaincre tout à fait la malaria, la rendait plus inoffensive. Il est vraisemblable que, là aussi, comme à Rome, « la première figue amenait quelques fièvres et ouvrait quelques successions, » mais on ne s’en préoccupait guère, et nous verrons que les médecins eux-mêmes avaient fini par recommander à leurs malades le séjour de Laurente. Les Romains en avaient su faire un lieu de repos et de plaisir ; il avait pour eux cet avantage qu’ils s’y trouvaient assez loin de Rome pour échapper aux importuns, et qu’ils en étaient pourtant assez près pour s’y rendre en quelques heures : « Je puis, disait Pline, ne me mettre en route que quand j’ai achevé mes affaires et que ma journée est finie. » Aussi ce pays avait-il commencé de bonne