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possédaient chacune « une chiourme de 260 forçats : 250 pour la vogue (cinq à chaque rame) et 10 pour le service des chambres. » La ration du forçat était alors de 36 onces de biscuit et son soûl d’eau. On lui donnait tous les ans « un capot, une casaque, un bonnet, deux chemises et deux caleçons. » Les cheveux et la barbe rasés, il lui était permis de garder ses moustaches. « Quand les forçats viennent en galère, dit Jean-Jacques Bouchard, on les fait entrer par la poupe ; quand ils meurent, on les fait sortir par la proue, les pieds devant. » Un come ou comité, payé 9 écus par mois, les commande. Il châtie les forçats avec un gourdin, corde grosse comme le doigt, ou avec un cercle (sorte de latte). « Il fait tous les commandemens avec un sifflet. » Ce come a pour l’assister, outre le sous-come, un argousin spécialement chargé « d’enchaîner et de déchaîner la chiourme, » un sous-argousin « qui visite les fers des forçats trois fois la nuit, » le moussi ou mousse de l’argousin « qui déferre et referre les forçats, » 12 compagnons « qui conduisent les forçats, lorsqu’ils vont par la ville. »

Le comite « commande aussi aux voiles ; » autrement dit, il préside à tous les détails de la manœuvre. Au temps où la chiourme était libre dans la marine grecque, comme dans les marines italiennes et espagnoles du moyen âge, le comité ou maître d’équipage, — notre homme, comme l’appelle le capitaine, quand il veut lui donner des ordres, — remplissait déjà les fonctions longtemps dévolues au master anglais. C’est l’Euctémon que le client de Démosthène envoie recruter des matelots à Lampsaque. Le capitaine, qui reçoit, en l’année 1630, 9,000 écus par an, à la charge « d’entretenir la galère, » n’est qu’un triérarque : il a remplacé l’opulent citoyen qu’aux jours de la république athénienne sa fortune bien plus que son mérite désignait au coûteux honneur du commandement. Le préfet de l’empereur Léon, le patron des partidas du roi don Pèdre, le capitaine des galères de Charles-Quint ou de Louis XIV, sont, sous des noms divers, des triérarques. Le prince leur remet la défense de son honneur et de son étendard ; il ne leur demande pas la science spéciale qui reste l’apanage du comité, du pilote, du gubernator ou du master. Le capitaine a sous ses ordres directs un lieutenant, « aux appointemens de 2,000 livres ; » un écrivain, « qui fait la provision et la dépense ; » cinquante soldats, — un par banc, — quatre caporaux, quatre canonnière, vingt mariniers, quatre timoniers, quatre conseillers, « quand il survient quelque tempête, » quatre caps de garde « qui servent sous les timoniers, » un remolat » qui fait les rames, » un barillat « pour raccommoder les barils, » un barbier avec son barberot, un prêtre a à quatre écus par mois. » En résumé, 260 forçats et 116 hommes libres, — 366 personnes en tout, — composent, en 1630, l’équipage d’une galère ordinaire.