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garnison qui les affamait et les gênait, mais ils n’avaient pas voulu permettre que leur bey partit avec elle.

Le 4 janvier, tout ce qu’il y avait de troupes françaises en Afrique, à l’exception de ce que le général de Damrémont avait à Mers-el-Kébir, était concentré autour d’Alger, dans des limites presque aussi étroites qu’au jour où, quatre mois auparavant, le général Clauzel était venu se mettre à leur tête. Chacun parlait de sa succession comme si elle était ouverte, et l’on ne disputait que sur le nom du successeur : serait-ce Damrémont ? serait-ce Boyer ? serait-ce Delort ? Lui, cependant, ne paraissait pas prêt à quitter la place ; il ne cessait pas, il ne négligeait aucune occasion de faire acte de commandant en chef et de gouvernant. Du fond d’Alger, au lendemain de l’abandon de Médéa, il affichait la prétention de régenter les Arabes. L’agha Hamdan était allé faire une tournée dans l’ouest de la Métidja ; habile à flatter les illusions du général en chef, il lui avait dit merveille de ce qu’il venait de voir ; tout était paisible, soumis, docile à l’autorité française. Malheureusement pour lui, il y avait autour du général des gens qui lui étaient peu favorables ; l’intendant Volland remarquait que 18,000 francs donnés à cet inutile personnage, c’était beaucoup d’argent ; le jeune Jusuf convoitait la place ; bref, il se trouva contre lui des témoins qui déposèrent de ses exactions pendant cette même tournée qu’il faisait valoir à son avantage ; traduit devant le comité de gouvernement, il répondit qu’il n’avait fait, par les réquisitions qu’on lui reprochait, qu’exercer les droits de sa charge. Il est vrai que ces droits, comme ceux de tous les chefs indigènes, étaient singulièrement abusifs ; mais, dans l’état des choses, sa défense pouvait être admise ; elle l’eût été peut-être si l’occasion n’avait pas paru favorable, de se débarrasser de lui. Un arrêté du 7 janvier déclara supprimée la fonction d’agha. Hamdan, dont l’influence sur les Maures d’Alger était grande, reçut du général en chef le conseil d’aller rejoindre à Paris l’ex-bey de Titteri Bou-Mezrag.

Peu de temps après, on vit arriver l’ex-bey d’Oran ; celui-ci du moins ne regrettait pas’ sa déchéance ; car la sienne était volontaire. Sur ses instances, le général de Damrémont avait obtenu d’Alger l’autorisation de faire entrer dans sa capitale les troupes françaises ; l’occupation avait eu lieu le 4 janvier. Aussitôt son palais démeublé, ses magasins vidés et ses coffres remplis, il avait eu hâte de partir avec son harem, une partie de ses janissaires et ses esclaves, laissant la ville désertée par les musulmans, abandonnée aux juifs, et menacée du dehors par les longs fusils arabes. Huit jours après lui, débarquaient dans le port d’Alger deux cent cinquante hommes de bonne mine, amenés de Tunis par un bâtiment de l’état ; c’était