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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/107

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appelle aussi quelquefois barones minores. Ceux-ci forment une classe nombreuse, indépendante ; et fière. Remarquez bien, qu’ils sont en dehors de la mouvance et de la juridiction du haut baronnage. S’ils ne sont pas les égaux des barons, ils ne sont pas leurs subordonnés, ils ne leur doivent aucun service, ils ne relèvent comme eux que du roi. Les seules différences qui se marquent d’assez bonne heure entre les deux catégories sont que les barones majores ont des domaines notablement plus étendus (la tenure baronniale doit contenir 13 1/3 fiefs de chevalier), et qu’ils sont convoqués individuellement à l’armée et au conseil du roi, au lieu que les petits tenans sont cités en masse par l’intermédiaire du shérif. Ce sont des différences de degré, non de genre[1]. Ces deux moitiés du baronnage ne tarderont pas à se modifier ; l’intervalle s’élargira sensiblement entre elles. Toutefois, même après que la première sera seule depuis plus d’un siècle en possession de conseiller le souverain, tandis que la seconde, confondue d’abord avec les vassaux des barons dans la classe des chevaliers, sera en voie de se mélanger avec toute la masse des propriétaires libres, — l’unité originelle de la classe baronniale ne s’effacera pas complètement. Quand les chevaliers seront appelés au parlement, leur premier mouvement sera de se joindre, aux barons ; le premier mouvement des barons sera de les accueillir ; et lorsqu’un peu plus tard les deux groupes se sépareront et que les chevaliers s’en iront siéger avec les représentans des villes, ils apporteront à leurs nouveaux collègues, avec la fierté, la hardiesse, la fermeté d’une ancienne classe militaire qui a de longues traditions de commandement et de discipline[2], l’avantage d’une communication naturelle et d’une facile entente avec le haut baronnage, dont ils se sont écartés plutôt que détachés. Barons et chevaliers resteront longtemps encore comme la branche aînée et la branche cadette d’une même famille. Nous retrouverons dans un instant ce fait capital.

De bonne heure toutefois, comme je l’ai fait pressentir, une divergence tend à se produire entre les habitudes et les goûts des deux baronnages. Les petits vassaux sont naturellement moins assidus, que les grands barons aux assemblées publiques, moins empressés à suivre le roi dans ses expéditions. L’exploitation de leurs terres leur demande des soins plus personnels. Leur absence, en ces temps de violence et de spoliation, expose leurs droits de possession à des périls qui ne menacent pas les personnages

  1. Voyez Gneist, I, 171, d’après Nevill et Littleton.
  2. On sait que, pendant le XIVe siècle, ce sont les chevaliers des comtés qui mènent la chambre des communes. Les députés des villes, deux ou trois fois plus nombreux, ne font que suivre.