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générale très juste, d’une appréciation équitable de ses propres droits et de ceux des autres puissances de l’Europe.

Que la France dût toutefois, pour achever l’œuvre, retenir la Suède dans son alliance contre la maison d’Autriche et ses futurs alliés, il suffit d’un coup d’œil sur la carte de l’Europe au XVIIe siècle pour s’en convaincre.

En premier lieu, cette alliance devait nous servir à envelopper la Baltique, où se croisaient tant d’influences diverses, politiques ou commerciales. La Suède pouvait y devenir souveraine. Elle en occupait les rives orientales, puisqu’elle possédait la Finlande depuis le XIIe siècle. Elle avait acquis, dès 1561, Revel et l’Esthonie, c’est-à-dire l’entrée du golfe de Finlande. Elle avait obtenu, en 1617, par la paix de Stolbova, l’Ingrie, c’est-à-dire le territoire dont Pierre le Grand se fera le maître et où il fondera Pétersbourg en 1703. Douze ans après, elle avait eu, par la trêve de Stumsdorf, une partie de la Livonie, au sud de ce même territoire. L’Ile d’OEsel, à l’entrée du vaste golfe de Riga, lui appartenait, ainsi que la belle et grande île de Gottland, au milieu de la Baltique méridionale. La paix de Brömsebro, conclue le 13 août 1645 par les soins du roi de France, lui avait valu quelques acquisitions du côté de la Norvège, possession du Danemark ; mais cette dernière puissance avait encore les trois provinces situées au sud de la péninsule Scandinave, Scanie, Bleking et Halland, de sorte que le détroit du Sund était entièrement danois. D’ailleurs, la paix de Westphalie venait de donner à la Suède l’archevêché de Brème sécularisé et converti en duché, l’évêché de Werden avec le titre de principauté, et la ville de Wismar, dans le Mecklembourg. Surtout l’article 10 du traité signé le 24 octobre 1648 à Osnabrück cédait à la couronne suédoise la Poméranie occidentale, en-deçà de l’Oder ; Stralsund en était le chef-lieu : c’est le même territoire que la Suède retint après ses désastres du temps de Charles XII et jusqu’en 1814. On y comprenait Stettin, capitale de tout le duché, le Bas-Oder et ses diverses embouchures. La Suède conservait ainsi une partie considérable d’une province par elle occupée pendant la guerre de trente ans et qu’elle avait toujours prétendu garder.

Elle était donc maîtresse d’une grande partie des côtes de la Baltique. Alliée au Danemark, elle pouvait fermer le détroit du Sund aux puissances maritimes, l’Angleterre et la Hollande. Or, combien de rivalités ardentes, combien d’occasions de lointains succès et de vastes profits n’y avait-il pas à surveiller sur ce champ maritime où la France était presque aussi intéressée que la Suède ? Il fallait, en vue de la sécurité suédoise, mais dans l’attente aussi