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politique. L’empereur voyait son action limitée et menacée pour chaque mesure par les résolutions des électeurs et des princes. Il s’ensuit que le roi de France, s’il disposait d’un ou de quelques membres influons de l’empire, pouvait susciter des ligues, obtenir des résolutions, suggérer des votes dans la diète impériale de nature à paralyser toutes les entreprises de l’empereur. La diplomatie française s’était montrée de bonne heure fort habile à s’avancer sur ce terrain. Dès le temps des négociations de Westphalie, elle avait lié fort utilement, par exemple, avec l’électeur de Mayence, qui, en qualité de premier électeur, avait sous son influence le directoire de la diète. Groulart raconte qu’elle avait acquis un certain député de cet électeur, « un vieux stoïque, dit-il, avec une casaque et une barbe datant de la même époque. » Singulièrement instruit du pur droit constitutionnel impérial, ses citations et ses commentaires étaient écoutés, et de la sorte, ajoute Groulart, « de son poêle il faisait branler tout l’empire. »

A côté de ces liens plus ou moins secrets, une alliance ouverte comme celle de la Suède ne pouvait que nous être d’un puissant secours en vue des affaires même intérieures de l’Allemagne-. Il ne faut pas oublier que la paix de Westphalie avait fait du roi de Suède un prince de l’empire. La Suède avait été reçue, en raison de ses récentes acquisitions en Allemagne, comme état immédiat de ce grand corps, de sorte que ses souverains étaient désormais appelés aux diètes, avec trois voix, comme ducs de Brème, de Werden et de Poméranie[1]. Il leur serait assigné une place aux assemblées impériales, dans le premier des trois collèges, celui des princes. La Suède était en outre chargée, conjointement avec la France, de prendre en main la garantie de toutes les stipulations de 1648. Il est clair qu’elle aurait par là mainte occasion, mainte obligation même d’intervenir, et ses alliés à sa suite, dans les affaires impériales. Ajoutez qu’elle avait occupé dans l’intérieur même de l’Allemagne un bon nombre de places pendant la guerre. Groulart écrit à Grémonville en 1647 que « quand toute l’Allemagne seroit réunie contre les Suédois, il faudrait quinze ans et des prospérités continuelles pour les chasser de toutes les places qu’ils tiennent, n’y ayant pas un état allemand dans lequel ils n’eussent quelque chose ; » et Flassan, dans son Histoire de la diplomatie (III, 90), assure qu’un arrangement pris pendant la même année 1647 avec l’électeur bavarois avait donné à la Suède et à la France un grand nombre de villes fortes en Allemagne. La Suède en était venue,

  1. Pfeffel, Nouvel Abrégé chronologique de l’histoire et du droit public d’Allemagne, à l’année 1648.