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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/609

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la vue des blessés et des mourans, qui parvenaient à se dégager des décombres partout accumulés. Il ne se passait pas un quart d’heure sans qu’une nouvelle trépidation du sol fît tomber quelque mur resté debout. C’est ainsi qu’un grand nombre de blessés, après avoir pu se dégager au milieu des débris qui les avaient surpris d’abord, furent de nouveau ensevelis. « La mort, dit un témoin oculaire, semblait poursuivre les victimes avec acharnement. En moins d’une heure, la ruine de Chio était absolue. » Pendant un an, les agitations du sol continuèrent avec des interruptions de courte durée.

Depuis une haute antiquité, les tremblemens de terre sont fréquens en Asie-Mineure et particulièrement à Smyrne, ainsi que dans l’archipel, dont Chio, Metelin et Rhodes font partie. Pendant les années 1879 et 1880, l’Ile de Chio avait ressenti des trépidations fréquentes, jusqu’à dix dans une même journée. Il en était de même à Metelin et à Smyrne ; mais aucune n’était assez forte pour causer beaucoup d’inquiétudes. C’était comme la préparation souterraine de la catastrophe qui éclata quelques mois plus tard.

Le désastre qui, l’année suivante, a désolé l’Ile d’Ischia n’a pas excité moins d’émotion. Le volcan qui domine cette île, l’Epomeo, a éprouvé plusieurs éruptions depuis les temps historiques. La dernière, survenue en 1301, est représentée par une imposante coulée de lave. Malgré cette inaction de près de six siècles, rien ne prouve que le volcan soit arrivé au repos, puisque antérieurement il avait passé environ mille ans avant de se réveiller. D’ailleurs, autour de lui, l’activité volcanique se manifeste encore par des jets de vapeur d’eau et par trente à quarante sources thermales, qui jaillissent principalement dans la partie septentrionale de l’île. Le sol est en grande partie constitué de couches de pierres ponces, de gravier et d’argile, dans lesquelles sont disséminées de nombreuses coquilles, appartenant à des espèces qui vivent encore dans la mer voisine ; ce qui démontre que l’île d’Ischia n’a émergé qu’à une époque géologiquement très récente.

La secousse qui, le 28 juillet 1883, plongea dans la consternation cette délicieuse contrée, fut accompagnée d’un mugissement épouvantable, dont on a évalué la durée à vingt secondes environ. Ce fut d’abord un sautillement d’une violence extrême, qui déchiqueta les édifices : un mouvement ondulatoire le suivit. La ville de Casamicciola et le village de Lacco-Ameno furent comme rasés au niveau du sol et un grand nombre de victimes humaines furent ensevelies. Les points les plus ébranlés s’alignent suivant les deux fractures profondes du sol qui traversent l’île, en se croisant à peu près à angle droit, presque au-dessous de Casamicciola.