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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/640

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rendement un peu au-dessous de la vérité. Cette question de rendement, sur laquelle nous devons revenir, prend une grande importance quand il s’agit de la taxe.

La valeur du sac de farine de première qualité varie en ce moment entre 44 et 51 francs suivant sa provenance. On considère comme prix moyen le pris, de vente des grands moulins de Corbeil, qui est de 47 à 48 francs. Les farines de seconde et de troisième qualité se vendent de 34 à 36 francs. Enfin le prix du son est d’environ 13 à 14 francs les 100 kilogrammes.

Supposons donc que le meunier achète 1 quintal de blé. En ce moment, il le paiera 20 francs seulement à l’agriculteur, qui aura dépensé 25 francs à le produire : car telle est la situation actuellement faite à l’agriculture française ; situation unique, impossible à maintenir, et d’où résulteront des ruines et des faillites innombrables s’il n’y est porté un prompt remède. Ce quintal de blé lui fournira :


67 kilog. de farine à 48 francs le sac, soit 20 fr.
4 kilog. de farine à 36 francs — soit 0 fr.90
4 kilol. de farine à 34 francs — soit 0 fr.86
25 kilog. de son à 14 francs les 100 kil., soit 3 fr.50
25 fr. 26


Il aura donc un peu plus de 5 francs par quintal pour solder ses frais de mouture, entretenir son moulin et ses machines, amortir son capital et gagner un bénéfice. La farine de première qualité paie le blé : il reste au meunier une valeur de 1 fr. 50 à 1 fr. 70 en farine de deuxième qualité, et le son, qui constitue son principal revenu. Le meunier est un marchand de son : le son lui reste pour rien quand il a vendu sa farine. Ce commerce est-il profitable ? Les meuniers passaient autrefois pour très riches, beaucoup plus indépendans que les boulangers, ils trouvaient moyen de s’associer à leurs bénéfices ; grâce aux marchés, dits marchés à cuisson, ils commanditaient en réalité les boulangeries. Un vieux et riche fermier des environs d’Etampes nous disait un jour que, dans sa jeunesse, une jeune fille d’une bonne famille avait toujours un moulin dans sa dot. Le moulin est aujourd’hui moins recherché.

Aujourd’hui comme autrefois, la meunerie est tantôt entre les mains de petits capitalistes, tantôt cette industrie est l’objet de vastes entreprises, et des capitaux considérables lui sont fournis par des sociétés. Les moulins de Corbeil produisent à eux seuls près d’un huitième de la farine consommée à Paris : or les deux millions de Parisiens mangent chacun 1 livre de pain par jour, ce