Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/861

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On va donc exproprier l’universalité des concessionnaires. Voici, sans nul doute, une opération qui coûtera cher à l’état. Quand il aura fallu payer les mines des bassins du Nord, du Pas-de-Calais, de la Loire et bien d’autres à leur juste prix, le trésor se trouvera fort dépourvu. M. Fouillée, parlant du rachat du sol, a fait ressortir ici même avec une force invincible tout ce qu’il y a de chimérique et de désastreux dans une semblable combinaison financière. Au lendemain des expropriations, l’état, affermant pour quelques années, ne suscitera des adjudicataires sérieux que s’il modère le prix des fermages, et l’on peut prédire à coup sûr qu’il ne retrouvera pas de longtemps, dans ces loyers réduits, la contre-partie de ses déboursés. Il lui faudra donc chercher de nouvelles ressources, c’est-à-dire augmenter les impôts pour payer ses dettes et, s’il ne peut plus les augmenter (car il arrive un moment où l’exagération de l’impôt anéantit la matière imposable), déposer son bilan. Aura-t-on du moins obtenu, dans la répartition des richesses, un changement appréciable ? Non, sans doute, on l’a vingt fois démontré. A moins qu’il ne s’agît de conclure des marchés ruineux sous le poids desquels serait ensevelie l’industrie minière, les anciens concessionnaires se présenteraient aux enchères : fortement organisés, nantis de leur outillage, flanqués de leur personnel, ils évinceraient généralement leurs concurrens et reprendraient à des conditions différentes l’exploitation de la mine qu’on leur aurait payée la veille. On aurait inutilement vidé les caisses publiques et désorganisé la propriété minière.

Avant de tout désorganiser, il faut se rappeler que la France n’est pas seule en Europe et regarder aux quatre points cardinaux. Les novateurs raisonnent, en général, comme si la concurrence ne pouvait s’établir qu’entre deux classes de citoyens français et s’il ne s’agissait que d’appauvrir l’une au profit de l’autre. Mais si l’on méconnaît, dans l’intérêt mal entendu de la démocratie, les plus simples notions de la science économique, si l’on arrive fatalement à produire moins, moins bien et plus cher, c’est la France elle-même qu’on appauvrit au profit des autres nations. Or croit-on que nos voisins de droite et de gauche s’effraient des bénéfices recueillis par telle ou telle société minière et brûlent d’y trouver un prétexte pour soumettre le tréfonds minéral à une nouvelle mainmise de l’état, placer les tréfonciers sous un joug plus pesant, amoindrir la part de l’industrie privée et augmenter celle de la collectivité ? Ce serait une grande erreur.

Par exemple, en Prusse, la législation des mines a été complètement modifiée par la loi du 24 juin 1865. On y a, sur certains points, abandonné le système français de 1810, mais