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ne les empêchait nullement de faire de fréquentes incursions à main armée dans les pays de leurs deux suzerains. En 1855, les Tekkés battirent l’armée de Mohammed Emin, khan de Khiva, qui fut tué dans une rencontre près de Saraks; depuis cette époque, ils se déclarèrent indépendans, guerroyant sans cesse contre Khiva, Boukhara et la Perse.

Les Tekkés se divisent en deux grandes familles (Ottamich, Tokhtamich), qui se subdivisent en quatre tribus (Bek, Vakil ; Bakhchi-Dach-Âyak, Tchitchmas), lesquelles à leur tour se ramifient à l’infini. Ils sont musulmans sunnites, et, comme tous les Turcomans, suivant leur richesse, passent de la vie nomade à la vie sédentaire. Au centre des champs qu’ils cultivent s’élèvent leurs forteresses, vastes murs en terre glaise flanqués parfois de tours, où une seule porte donne accès. Ces forteresses, appelées Kala, ne sont généralement habitées qu’aux époques des semailles et des récoltes ; le reste du temps, l’aoul suit ses troupeaux dans les pâturages, et ce n’est que quand un ennemi est signalé qu’ils dressent leurs kibitkas dans les enceintes fortifiées, dont ils barricadent l’entrée.

Jusqu’à leur soumission à la Russie, les Tekkés ne reconnaissaient aucune autorité et leur administration était des plus simples. Une assemblée d’ichanes et de notables des différens aouls traitaient les affaires intéressant toute la tribu, comme, par exemple, la levée en masse. Cette assemblée nommait aussi les khans, dont l’un résidait à Merv et l’autre à Askabad dans l’Akhal. La cérémonie de l’investiture était on ne peut plus républicaine ; le doyen de l’assemblée disait tout simplement à l’élu : « Tu seras khan, » et lorsque ce fonctionnaire cessait de plaire à ses turbulens électeurs, ceux-ci le déposaient en lui disant : «Tu ne seras plus khan. »

La dignité de khan n’était, du reste, guère enviée ; on ne rendait à ce chef aucun honneur, et son influence était presque nulle ; le khan représentait le pouvoir exécutif et disposait de 40 djignites pour exécuter ses ordres ; c’était réellement le premier serviteur de sa tribu ; il n’avait pas même le droit de prélever les impôts. Le titre de khan était encore octroyé exceptionnellement, comme distinction honorifique, à ceux qui avaient fait preuve d’une grande bravoure dans les guerres.

Le khan le plus célèbre de l’Akhal fut Nour-Verdi, de la tribu des Vakils ; il battit les Khivans en 1855, les Persans en 1861 et les Russes devant Ghéok-Tépé en 1869. Ayant anéanti les Saryks à la tête de 2,000 Tekkés, cet acte de bravoure lui valut d’épouser Gouldjamal, la plus belle et la plus intelligente fille de Merv. Les biens qu’il acquit par ce mariage lui permirent de résider tantôt dans l’Akhal, tantôt sur les bords du Mourgab. Intrépide, juste et hospitalier, ce