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nouvelle colonie que par un fort petit nombre de colons européens. Toute la population tunisienne réellement indigène est musulmane. En Herzégovine et en Bosnie, malgré les conversions en masse qui ont suivi la conquête turque, la majorité a toujours appartenu aux chrétiens. Mais personne n’ignore que ces chrétiens, divisés en catholiques et en orthodoxes, se jalousent entre eux presque autant qu’ils détestent les musulmans. Pour se rendre compte de l’importance du christianisme dans ces deux provinces, il est nécessaire d’en résumer en peu de mots l’histoire. Son origine est des plus anciennes, puisqu’elle date, s’il faut en croire les traditions, du Ier siècle après Jésus-Christ, où les disciples des apôtres Paul, André, Jacques, entreprirent la conversion des diverses nationalités de la péninsule balkanique. Cependant, la religion chrétienne ne s’étendit guère qu’aux colons romains ; les races illyriennes qui habitaient alors le territoire de la Bosnie n’en subirent que bien peu l’influence, si même elles la subirent. C’est de Dalmatie, dont le centre religieux était Salona, que sortit l’organisation du nouveau culte. Au VIe siècle après Jésus-Christ, nous trouvons déjà les traces d’un christianisme florissant. Le premier évêché porte le nom d’episcopatus Bestoensis ; en 530, deux évêchés de ce nom sont mentionnés, dont l’un, episcopatus vetus ; est sans doute d’origine plus ancienne, et l’autre, novus episcopatus, est de création plus récente. On ignore où était l’évêché de Bestoe ; les uns le placent à Visoko, les autres à Tojnica ou à Serajevo, à 45 lieues environ de Salona. On rencontre encore à cette époque trois autres évêchés : episcopatus Narontanensis (Naronta) ; episcopatus Matricensis (Mostar) ; episcopatus Sarnicensis. En 531, on parle encore de deux autres évêchés : episcopatus Luduvicensis (Livno) ; episcopatus Sarsenterensis (Glamor). Le VIe siècle ouvre l’ère des grandes migrations de peuples. En 535 commence la lutte des Ostrogoths contre Byzance, dont le pouvoir pacifique était aisément supporté en Bosnie, aussi bien qu’en Pannonie et Dalmatie. Quoique ariens, les empereurs byzantins laissaient le christianisme romain faire assez librement des progrès considérables. Après vingt ans de luttes, l’empire des Goths fut détruit ; mais les Avares, joints aux Slaves, continuèrent une série de guerres de rapine et de brigandage dans lesquelles succombèrent toutes les œuvres romaines, et parmi elles l’église de Bosnie, qui était alors celle de Bestoe. Pour arrêter ce torrent dévastateur, les empereurs byzantins firent appel aux tribus serbo-croates établies sur les monts Carpathes et leur concédèrent les territoires qui s’étendent des bords.de la mer Adriatique (entre l’Istrie et Antivari), vers l’est, jusqu’à Semendria ; vers le nord, jusqu’à la Drave ; vers le sud, jusqu’à Novi-Bazar et Pristina, contrées conquises presque