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à l’aide de traits noirs jouant sur le fond blanc du papier, obtenir tous les tons, toutes les couleurs, toutes les gradations de la lumière, toutes les harmonies de l’ombre. Vingt fois, mille fois, sans trêve, il a remis l’ouvrage sur le métier !

Il nous a été donné de voir récemment une exposition véritablement émouvante que M. Gaillard envoyait à l’étranger et qui, d’un accord unanime cette fois, remporta la médaille d’honneur. C’était la longue série de ces gravures que les chalcographes appellent des « états. » Pour l’œil inexpérimenté, ces états se ressemblaient tous, mais une étude attentive permettait de retrouver dans chacun d’eux une recherche plus minutieuse, quelques corrections presque imperceptibles qui ajoutaient encore à l’effet. Le portrait exposé était dessiné au crayon, d’un trait léger, sur une feuille ; puis c’était un cadre dans lequel le même portrait était présenté par l’artiste avec toute la magie des couleurs. Les oppositions qu’il faudrait plus tard retrouver dans la gravure, entre le rouge vif des lèvres, le bleu tendre des yeux, les pâleurs bistrées de la figure, étaient indiquées avec une précision merveilleuse ; puis c’étaient encore et pour le même portrait des séries entières de dessins consacrées à la seule étude des muscles de la face. Un pareil labeur ne commande pas seulement l’admiration ; il impose le respect. Tel a été le travail qui, dans les expositions récentes, nous donnait les portraits définitifs de Léon XIII et de Pie IX ; tels ont dû être les silencieux colloques échangés entre l’artiste et son modèle avant que M. Gaillard se soit décidé à présenter au public le portrait du R. P. Hubin.

Nous voudrions dire ici quelques mots des autres gravures de l’année ; citer au moins les meilleures : celles de M. Danguin, de M. Courtry, de M. Teyssonnières, de M. Chauvel, de M. Waltner, de M. Hédouin, de M. Champollion, de toute cette foule d’artistes consciencieux, graveurs en taille douce, graveurs sur bois, aquafortistes, qui ne désespèrent pas de leur art ; nous nous contentons pour aujourd’hui de les signaler à l’attention du public ; tant d’opiniâtre persévérance, tant de courage victorieux, nous semblent mériter autre chose que l’indifférence, et pour nous, nous avons cru rendre hommage à tous nos graveurs en essayant d’analyser rapidement les mérites du maître qui paraît les représenter le mieux. C’est en parlant de la gravure que nous avons voulu parler de M. Gaillard, mais nous aurions pu le nommer récemment quand nous parcourions le Salon de peinture pour y chercher des œuvres fortes et personnelles ; nous devrions le nommer encore au cours de l’examen rapide que nous devons à la sculpture. Graveur, peintre, sculpteur, M. Gaillard n’est inférieur dans aucune des manifestations de l’art auxquelles il s’attaque tour à tour. A l’exemple des