d’autorité ce problème émouvant qui consiste à vêtir noblement, dans une expression d’une délicatesse infinie, une pensée forte et juste.
M. Chapu, qui, dans ces deux chefs-d’œuvre, a donné sa mesure, expose aussi au Salon de cette année une figure destinée à un tombeau, mais cette figure est un portrait. C’est une statue en marbre de la duchesse d’Orléans, qui doit être placée dans la chapelle de Dreux. A l’exemple des figures que nous avons vues étendues sur la pierre dans les cathédrales de l’Italie, dans nos églises du moyen âge et dans la salle du palais de Versailles, la statue de M. Chapu, endormie sur le marbre, dort le dernier sommeil. L’attitude est celle du rêve plutôt que celle de la mort. La tête mollement tournée vers la droite, le bras étendu, la duchesse d’Orléans semble chercher encore l’époux qui l’a précédée dans la tombe et qu’elle voudrait rejoindre dans l’éternel repos. La tête, le bras, les vêtemens, sont traités dans cet ouvrage avec ce savoir élégant, sobre, sûr de lui-même, auquel nous a habitué M. Chapu ; et, après tant d’œuvres remarquables, cette noble figure fait encore honneur à l’artiste.
La vaillance des sculpteurs ne commit pas d’obstacles : ils ne s’ingénient pas seulement à faire dire à la pierre les sentimens les plus secrets de l’âme humaine, ils font choix des expressions les plus difficiles pour les saisir et les fixer à jamais dans le marbre. M. Allouard a envoyé cette année au Salon son Molière mourant, dont le plâtre avait été admiré au Salon de 1882. « Cette figure, disait ici même M. Guillaume il y a trois ans, qui obtient un si beau succès, est parfaitement présentée. Elle est très juste de caractère. Elle est simple et elle émeut. Molière repose déjà, son esprit et son corps se sont détendus. La paix lui est venue. La pièce est finie. Qu’aurait-il à regretter ? Artiste, il meurt pour ainsi dire au bruit des applaudissemens ; homme, c’est la fin de ses peines ; philosophe, il reste impassible. Ainsi donc, ni débats, ni convulsions. Rien de ces agonies dont la scène nous donne trop souvent le détail. Nous félicitons M. Allouard d’avoir si dignement représenté Molière et d’avoir traité avec tant de mesure un sujet qui touche au théâtre. » Qui pourrait ajouter quelque chose à un éloge auquel le caractère de celui qui le décernait donnait une autorité si particulière ?
Peut-être pourrait-on dire cependant que l’heureuse exécution de l’artiste a justifié, qu’elle a dépassé même les espérances que le premier travail avait fait naître dans l’esprit de ce maître sculpteur, qui est un maître en éloquence comme il est un maître en critique d’art. M. Guillaume a fouillé tous les problèmes de