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financier n’a pas plus à s’inquiéter de l’esprit dans lequel les tories aborderont le problème égyptien. Lord Salisbury a pris un pouvoir hérissé de telles difficultés qu’il ne doit chercher qu’à rassurer l’Europe sur ses intentions, loin d’être en situation de faire prévaloir une politique d’audace et d’aventure. Un de ses premiers soins a été, disent les dépêches, de déclarer à notre ambassadeur à Londres que l’administration nouvelle avait à cœur de régler, d’accord avec la France, toutes les questions pendantes.

Quelques télégrammes de Berlin ont essayé de répandre l’alarme en présentant l’état de santé de l’empereur d’Allemagne comme désespéré et une catastrophe comme absolument imminente. Les informations les plus récentes d’Ems ont démenti ces pronostics pessimistes ; l’empereur est faible, mais il va plutôt mieux. D’ailleurs, l’éventualité d’un changement de règne n’est-elle pas désormais entrée dans tous les calculs au point de ne plus déranger, le jour où elle se réalisera, une seule combinaison ?

On a encore rattaché en partie les dispositions plus faibles des huit derniers jours à l’impression produite par les récens débats de la chambre sur le projet de loi relatif à l’emprunt nécessaire pour couvrir les dépenses des caisses des écoles et des chemins vicinaux. Ce débat, qui a servi de préface et d’ouverture à la discussion générale du budget de 1886, a rappelé l’attention publique sur une situation financière qui n’est assurément pas brillante, mais qu’il est exagéré, comme quelques orateurs l’ont fait à la chambre, de déclarer désastreuse et conduisant à un cataclysme.

La dette flottante, de l’aveu du ministre, atteint déjà 1 milliard et demi ; mais ce poids est soutenu assez allègrement par le trésor, qui récemment encore a diminué de 1 pour 100 l’intérêt de ses bons. C’est afin de ne pas charger davantage la dette flottante et de reculer la nécessité d’un grand emprunt de consolidation, que le ministre a proposé d’émettre 320 millions en obligations remboursables en vingt-deux ans pour faire face aux exigences des deux caisses citées plus haut. La chambre a donné raison au ministre et voté le projet de loi.

Les Actions de Suez, du Gaz et du Crédit foncier sont à peu près les seules valeurs sur lesquelles la spéculation déploie encore quelque activité. L’accident de la drague coulée par le travers du canal a enrayé le mouvement qui se dessinait sur le Suez. Les recettes ont faibli pendant huit ou neuf jours par suite de l’interruption, totale ou partielle, du trafic. La dernière décade a comblé l’insuffisance de la seconde, le passage ayant été rétabli aussi promptement qu’on pouvait l’espérer. Mais les réalisations ont suivi de près la publication des chiffres élevés des recettes, et le Suez a été entraîné par les rentes, reculant de 2,195 à 2,155, c’est-à-dire au cours même où s’établissait la compensation au milieu du mois.