Moreau communiqua la réponse de Winzingerode au conseil de défense, qui arrêta que : « vu la faiblesse de la garnison et des moyens de la place, et la force des assiégeans, il y avait impossibilité évidente de résister, et qu’en conséquence on devait écouter les propositions de l’ennemi.» Saint-Hillier et Kozynski refusèrent de signer le procès-verbal de cette délibération[1].
Cependant le jour était venu. Le passage continuel des parlementaires, la cessation du feu, ce terrible silence qui, pareil à celui des chambres mortuaires, s’étend à l’heure de la capitulation sur les villes assiégées, commençaient à inquiéter les troupes. Allait-on donc se rendre quand la veille on s’était si bien défendu? Et les soupçons augmentant, les murmures croissaient. On traitait Moreau de traître et de lâche. Non-seulement les soldats, mais la population elle-même, déterminée aux suprêmes sacrifices, exprimait hautement son indignation. « J’entends encore, dit Braver, la rimeur qui s’éleva dans la foule au mot de capitulation[2]. » Il était environ neuf heures. Soudain une canonnade furieuse éclate dans la direction de l’Ourcq. À ce bruit, tout le monde tressaille. C’est une explosion de cris d’espoir et d’exclamations de colère : «C’est le canon de l’empereur!.. c’est l’empereur qui arrive!.. Il faut nous défendre!.. Il faut rompre les pourparlers!.. Si la capitulation est déjà signée, il faut la déchirer!.. L’empereur arrive[3]! »
La capitulation, à ce moment, n’était pas encore signée. Des difficultés s’étaient élevées au sujet des canons. Moreau avait demandé à en emporter six, et les négociateurs, se référant à la lettre de Winzingerode, où il était écrit que les Français quitteraient la ville avec deux canons, ne voulaient pas céder. De son côté, Moreau s’obstinait à réclamer ses six pièces. La discussion devenant très vive, les pourparlers menaçaient d’être rompus, quand le général Woronzof, qui assistait à la scène et qui, lui aussi, entendait la canonnade de l’Ourcq, s’écria en russe : « Donnez-leur les pièces qu’ils demandent et les miennes avec, s’ils les veulent, mais qu’ils partent ! qu’ils partent[4] ! »
En exécution des clauses de la capitulation, les Polonais durent céder immédiatement la garde des portes de Reims et de Laon. Les
- ↑ Rapport de Moreau sur la capitulation et lettre justificative. (Archives de la guerre.) — Collection Périn. (Archives de Soissons.)
- ↑ Manuscrit de Brayer. (Archives de Soissons)
- ↑ Collection Périn. (Archives de Soissons.)
- ↑ Mémoires du duc de Raguse, t. X, p. 207. — Marmont assure tenir le mot de Woronzof lui-même, qui le lui répéta plus tard. Bogdanowitch, t. I, p. 307, rapporte aussi le propos, mais il dit qu’il fut tenu non point à Soissons au milieu de la discussion, mais à l’état-major de Winzingerode, quand celui-ci ratifiait la capitulation.