Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/625

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
617
LA LÉGENDE DU BOUDDHA.

brisé par les douleurs du monde, je souris et je suis heureux ; car je sais que la liberté existe. La volonté est plus forte que la douleur.

Oh ! vous qui souffrez, sachez que vous souffrez par votre propre faute. Les livres disent vrai. La vie de chaque homme est le résultat de ses vies passées ; les fautes passées amènent la douleur, le bien passé engendre la félicité.

Si celui qui comprend d’où provient la souffrance la supporte avec patience, s’il lutte dans l’amour et la vérité pour payer les dettes de son passé ; si, jour après jour, il se montre miséricordieux et juste ; s’il arrache de son cœur les racines saignantes du désir jusqu’à ce que l’amour de la vie ait pris fin ;

Lorsqu’il mourra, son compte sera réglé ; il n’aura plus besoin de vivre de ce que vous appelez la vie, il ne connaîtra plus les aspirations torturantes, le péché qui souille ; les battemens douloureux des joies et des douleurs terrestres ne troubleront plus sa paix. Il s’en va dans le Nirvâna ; il ne vit pas comme nous, mais il est un avec la vie.

C’est ici la doctrine du Karma. Lorsque la rouille du péché a disparu, lorsque la vie meurt comme une flamme consumée, alors seulement la mort meurt avec elle.

Vous qui voulez suivre la route royale, écoutez les quatre grandes vérités ; la première est de connaître la douleur ; la seconde, de pénétrer sa cause, le désir ; la troisième consiste dans la fin de la douleur, qui est l’amour de soi vaincu, la convoitise domptée. N’aimez pas votre corps, aimez la beauté éternelle ; ne vivez pas de vous-mêmes, vivez du divin.

La quatrième vérité, c’est de connaître la voie qui mène au refuge. L’âme courageuse se hâte, l’âme faible s’attarde, mais toute volonté atteindra le blanc sommet inondé de soleil.

Comme celui qui est debout sur une cime neigeuse ne voit au-dessus de sa tête que le bleu de l’infini, ainsi l’homme qui s’est vaincu lui-même est arrivé au bord du Nirvâna. Il est envié des dieux inférieurs, et les trois mondes en ruine ne sauraient l’ébranler. Le Karma ne lui construira pas de nouvelle demeure.

Si quelqu’un enseigne que le Nirvâna, c’est vivre, dites-lui qu’il se trompe ; si quelqu’un enseigne que le Nirvâna, c’est cesser d’être, dites-lui qu’il ment. Car il ne sait pas quelle est la lumière qui brille au-delà de sa lampe brisée ; il ne connaît pas la vie sans fin, la félicité que ne mesure plus le temps.

Entrez dans la voie ! Elle mène aux sources qui apaisent toute soif, et ses bords sont tapissés de fleurs immortelles[1].

  1. Light of Asia, viii, passim.