vers, de la première expression qui lui vient sous la plume, — ou sous celle de quelqu’un de ses innombrables collaborateurs; — et parce qu’enfin cette expression est toujours en dessus ou en dessous du ton : redondante, prétentieuse, emphatique aussi souvent qu’il vise à la noblesse, et vulgaire, triviale, grossière dès qu’il se croit léger. Ce qu’il y a de plus remarquable dans Antony, c’est peut-être la disproportion des mots avec les sentimens; et, dans Mademoiselle de Belle-Isle ou dans les Demoiselles de Saint-Cyr, il n’y a rien de si choquant que la basse qualité de la plaisanterie. Dumas écrit donc mal de la pire manière dont on puisse mal écrire, parce qu’il pense mal ; et son style, si je puis me servir de ce mot, est toujours hors de la justesse et de la vérité, parce que ses personnages et les idées qu’il leur donne à traduire sont toujours hors de la nature et de la réalité. Si vous ajoutez à cela qu’il n’a ni le sentiment de la valeur intrinsèque des mots, ni celui de l’harmonie de la phrase, ni celui de quoi que ce soit enfin de ce qui constitue dans l’art d’écrire la beauté propre de la forme, vous vous expliquerez que l’on joue si peu de ses « chefs-d’œuvre, » que l’on en lise moins encore, et qu’il y en ait tant dont le titre même ne soit déjà plus connu que des seuls amateurs de théâtre.
C’est ce qui nous rend assez difficile de juger si les qualités scéniques de ces drames jadis fameux en peuvent racheter la médiocrité littéraire. On ne les apprécie, dit-on, que sur les planches, et, en attendant, on ne les y fait jamais monter. Je conviens, au surplus, que l’insuccès tout récent encore de Charles VII chez ses grands vassaux ou d’Antony, n’encourage guère les directeurs à reprendre Angèle ou Catherine Howard. Un mélodrame, la Tour de Nesle, dont la réapparition sur la scène, comme celle du Courrier de Lyon, dépend du caprice ou de la fantaisie d’un acteur; et deux comédies, plus ou moins historiques: Mademoiselle de Belle-Isle et les Demoiselles de Saint-Cyr, voilà donc tout ce qui survit du répertoire de Dumas. La Tour de Nesle est un beau mélodrame, bien charpenté, hardiment brossé ; ce n’est pourtant qu’un mélodrame. Et pour Mademoiselle de Belle-Isle ou pour les Demoiselles de Saint-Cyr, il ne me paraît pas que « l’entente » ou « le don » de la scène, — ce sont les deux mots consacrés, — y soient sensiblement supérieurs à ce qu’ils sont chez Eugène Scribe, dans telles comédies du même genre et de la même époque: le Verre d’eau, par exemple, ou Adrienne Lecouvreur. Et certes, je ne suis pas de ceux qui méprisent ou qui dédaignent Scribe ; je lui reconnais, je persiste à lui reconnaître beaucoup de qualités, de grandes qualités, une fertilité d’invention singulière et une fécondité de ressources véritablement unique; mais enfin, ce n’est pas de quoi se récrier, peut-être, ni placer un homme si haut.
Dirons-nous, après cela, que si les moyens accoutumés de Scribe sont artificiels ou d’une ingéniosité trop menue, ceux de Dumas, en