traversé par un pont et semé çà et là d’îles verdoyantes, se déroule au milieu d’une riche contrée. Des cultures et des plantations variées sont échelonnées sur les pentes des collines, puis disparaissent graduellement avec l’élévation croissante des montagnes. Celles-ci bornent au loin l’horizon et détachent doucement sur le pâle azur du ciel leurs cimes les plus hautes, couronnées de neige. On imaginerait difficilement, d’après cette description sommaire, tous les détails que le peintre a fait tenir dans l’espace restreint dont il disposait. Même après avoir bien souvent contemplé ce petit chef-d’œuvre, on y trouve toujours quelque particularité qui avait échappé et quelque raison nouvelle de l’admirer. En dépit du nombre et de la diversité extrême de ces détails, la simplicité et la franchise de l’aspect sont remarquables. Sans aucune trace de confusion ou d’incertitude, le regard peut, en se portant des objets les plus proches jusqu’au fond de l’horizon, reconnaître la justesse de la mise en place, la vérité des colorations et des reflets, sous cette lumière égale et pure qui ne permet aucun subterfuge et commande une correction impeccable dans les lignes et les intonations. Regardez, pour n’en citer qu’un exemple, avec quelle fermeté de contours se dessine la chaîne de ces montagnes lointaines, par quels ressauts presque imperceptibles la fine dentelure de leur silhouette, tout en respectant la configuration générale du massif, laisse cependant à chacun des pics qui le composent sa physionomie particulière. Même à ce plan reculé aucune de ces indications n’a été donnée au hasard ; toutes, au contraire, ont une rigueur en quelque sorte scientifique.
Mais, quelle que soit la perfection de cet ouvrage, peut-être trouveriez-vous plus étonnante encore celle de la Vierge au donateur du musée de Dresde (no 1,713 du catal.), ce fin bijou dont, suivant une tradition que la valeur et les dimensions restreintes de l’œuvre rendent vraisemblable, Charles-Quint ne se séparait jamais dans ses voyages. Il semble que, conformant son exécution à ces proportions qui dépassent à peine celles des miniatures, Van Eyck se soit appliqué à faire paraître dans tout son éclat la supériorité des ressources que le procédé nouveau dont il se servait mettait à sa disposition. Mais ce n’est pas seulement la finesse exquise du travail qui commande ici notre admiration, c’est surtout le parti adopté par l’artiste. Tandis que, dans le tableau du Louvre, les valeurs vigoureuses de l’architecture lui fournissaient une opposition utile pour rendre plus sensible l’éloignement de l’horizon, cette fois, c’est dans une église aux blanches murailles où le jour pénètre librement de toutes parts que la Vierge, assise sous un dais de tapisserie et tenant son Fils dans ses bras, reçoit les prières de ses adorateurs. Sans même