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démarches dans toutes les directions. Le 20 octobre 1787, un écrivain du temps, Cesaretti, auteur de l’Histoire de la principauté de Piombino, écrit à l’abbé dans les termes suivans : « J’ai sur le cœur cette épée de César Borgia ; vous feriez cependant une chose digne d’éloges si vous vouliez dicter à quelqu’un le résultat de vos curieuses découvertes sur l’histoire de ce personnage si peu connu, et votre interprétation des emblèmes de l’épée, qui sont tout aussi dignes d’exciter l’intérêt des érudits que le plus beau bas-relief grec ou romain. Si, une fois cela fait, vous avez la complaisance de me faire tenir ce travail à Padoue, vous me ferez un précieux cadeau. » Deux mois après avoir reçu la lettre de Cesaretti, Galiani mourut à Naples, à l’âge de cinquante-huit ans, sans avoir mis à exécution son projet d’écrire la monographie de son arme. On trouva chez lui dix caisses pleines de manuscrits, vingt-deux volumes de lettres mises en ordre et un grand nombre d’autres non classées. On dossier spécial portant l’inscription : Épée de César, devait, selon la volonté du défunt, être remis par ses exécuteurs testamentaires au futur possesseur de l’arme, désigné dans son testament même par un codicille écrit de sa propre main, la veille de son décès : « Mes exécuteurs testamentaires savent que j’ai promis de céder pour le prix de trois cents ducats napolitains à Mgr Gaetani d’Aragon, qui est à Rome, ma célèbre épée du Valentinois, avec les mémoires que j’ai recueillis sur ce précieux objet. Je les prie donc de l’offrir au prélat pour le prix indiqué. Mais s’il ne désirait plus l’acquérir, je veux qu’on offre respectueusement en mon nom la susdite épée à Sa Majesté Impériale l’impératrice de toutes les Russies, comme souvenir de ma reconnaissance pour tous ses bienfaits. »

La grande Catherine figure parmi les correspondans de Galiani ; elle faisait grand cas des lumières de l’abbé, tenta plusieurs fois de l’attirer à sa cour et finit par lui assigner une pension. Dès que la souveraine eut connaissance du codicille qui la concernait, elle s’enflamma à l’idée de posséder l’épée du terrible fils d’Alexandre VI et fit de pressantes démarches par la voie de son ambassadeur auprès du roi de Naples. La teneur du testament était formelle ; le prélat auquel on donnait le droit de préemption en acceptait les termes ; les volontés de Galiani reçurent leur pleine exécution. A la fin de l’année 1787, après des débats irritans, soulevés par la famille de l’abbé, qui attaqua le testament, le duc de Sermoneta reçut l’épée et le mémoire à l’appui.

Désormais aux mains des Gaetani, ce trophée symbolisait pour eux la lutte entreprise contre la famille, sa revanche et le triomphe définitif du droit. Ils résolurent de le placer avec une inscription dans le château-fort de Sermoneta, que les Borgia leur avaient enlevé en s’appropriant jusqu’au titre