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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/435

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de mélancolie se mêle à cet enchantement quand on songe à la sérénité de la nature impassible et aux vicissitudes des choses humaines.

La race qui habite ce sol fortuné ne le cède à aucune autre en fierté, en courage, en intelligence, en générosité, en bon renom. Son passé est glorieux, bien rempli par une activité prodigieuse, qui se dépensa en de nobles entreprises. L’histoire de ce peuple vaillant, héroïque, ami des arts et de la liberté, abonde en épisodes dignes du roman et de l’épopée. Que reste-t-il de tout cela ? L’autonomie est perdue, la nationalité absorbée, la langue compromise. La principauté de Catalogne n’est plus qu’une province de l’Espagne. De ses comtes, de ses princes, de ses rois, de ses privilèges, de ses franchises municipales, elle ne garde qu’un vague et amer souvenir. Comme la civilisation jadis florissante du Midi, elle a été vaincue, après des luttes mémorables et une résistance héroïque. Voilà de quoi inspirer un grand poète ou un grand historien ; voilà les sources vives de l’histoire et de la littérature nationales, de la poésie qui cherche la vérité dans la réalité. Tout le reste n’est que pauvreté et illusion d’esprit, préoccupation mesquine de gloriole littéraire.

La plupart des villes qui sont voisines du littoral ont un nom historique : Figuères, Girone, Peralade, moins célèbre par les invasions qu’elle a dû subir comme place frontière, que pour avoir vu naître le chroniqueur Ramon Muntaner, Catalan d’esprit, de cœur et de race, qu’un mauvais plaisant a voulu confisquer au profit de la Roumanie. Sur la côte même vivent encore les souvenirs des navigateurs grecs et carthaginois, à Roses, à Ampurias, à Barcelone. Tout a été dit sur cette dernière ville, l’une des plus belles du monde, des plus agréables, des plus originales, malgré le voisinage de la France et le caractère cosmopolite des grands ports de mer. Malgré sa longue histoire et sa vaste étendue, Marseille est avant tout l’entrepôt du commerce de l’Orient et de l’Occident. Cette grosse et puissante cité éblouit le voyageur plutôt par ses richesses et le mouvement incessant des affaires que par la poésie des souvenirs. Fière à bon droit de ses flottes marchandes, elle n’a point dans sa souveraineté la majesté de ces reines déchues de la mer occidentale, Venise, Pise, Gênes, Barcelone, qui furent tour à tour, en des temps plus prospères, les vraies capitales de la Méditerranée. Barcelone partageait avec Saragosse l’honneur de servir de résidence aux rois d’Aragon. De là son importance. La découverte du Nouveau-Monde lui suscita une rivale. Admirablement située, réunie à l’Océan par son large fleuve, Séville devint le principal comptoir du commerce avec l’Amérique et fut bientôt la merveille de l’Espagne. C’est de cette mémorable époque que date la décadence relative des capitales méditerranéennes. La grande navigation commença lorsqu’on sut par Christophe Colomb et les premiers conquérans ce qu’il y