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restauration de mauvais goût ne gâte la beauté sévère de cette vaste citadelle ecclésiastique qui domine de très haut toute la ville et le pays environnant. Un ample chemin de ronde, qui l’isole des quartiers voisins, permet d’en faire le tour. D’un côté est l’archevêché, immense et vulgaire caserne ; de l’autre, une longue rangée de maisons non dépourvues de caractère ; au fond, le grand séminaire que l’on rebâtit et dont l’architecture ne promet pas un chef-d’œuvre. Il faudrait un autre cadre pour un pareil monument. A l’intérieur, rien de mesquin ; tout est en rapport avec la charpente de ce colosse de pierre. Les deux nefs latérales sont flanquées de hautes et profondes chapelles, éclairées par un dôme, fermées par d’énormes grilles de fer forgé, émaillées d’écussons rouge et or surmontant des sarcophages couverts d’inscriptions gothiques ; des pierres tumulaires forment le pavé de ces petites églises. Le chœur, orné de boiseries antiques et richement sculptées, est au milieu de la grande nef, à égale distance de la porte d’entrée et du maître-autel. Autour de cette enceinte, des chapelles surbaissées, à plein cintre, recevant un jour équivoque, sont remplies de dorures et de vieilles sculptures sur bois. La plus remarquable est celle où l’on voit le Christ au tombeau. Le corps est couché dans une large caisse vitrée ; derrière, le long du mur, cinq femmes en costume de deuil, dans l’attitude de la douleur ; au pied et au chevet du lit funéraire, deux hommes à l’air grave complètent le chœur de ce drame muet. Une lampe aux lueurs incertaines éclaire faiblement cette scène où revit la foi éteinte du moyen âge. A l’entrée du chœur, à gauche, un monument superbe commande l’attention. C’est le tombeau restauré de Jacques Ier d’Aragon. Une souscription populaire des deux provinces de Barcelone et de Tarragone a payé les frais de cette belle restauration, qui remonte à 1856. Le corps du roi conquérant reposait sous les voûtes du monastère de Poblet, avant l’année 1835, où furent supprimes les ordres religieux. L’inscription du sarcophage, bien différente de celle du socle, est d’une touchante simplicité : on y voit les dates de la naissance et de la mort d’un prince qui fut un héros et un sage.

La renaissance a laissé aussi sa trace dans cette antique métropole, qui compte parmi ses plus illustres archevêques l’immortel Antonio Augustin, profond théologien, savant jurisconsulte, prélat modèle, épigraphiste, numismate, archéologue, érudit de premier ordre. Son tombeau est le plus bel ornement d’une grande chapelle monumentale, surmontée d’un dôme hardi. L’intérieur de la coupole est décoré de très bonnes peintures à fresque. Une large pierre de marbre noir, surmontée de l’écusson archiépiscopal, dit en termes sobres et simples quel fut l’homme qui gît là après une vie bien remplie. Cette inscription est un modèle achevé du style lapidaire. La