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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/646

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d’années après, les traités conclus par M. Faidherbe sont renouvelés et modifiés ; les modifications mêmes montrent quelle amélioration s’était accomplie dans nos rapports avec ces peuplades. Dans les traités Faidherbe, les Français déclarent « qu’ils ne veulent, pour le moment, acheter la Comme que dans leurs établissemens de Saint-Louis, Dagana, Podor, Saldé, Matam, Bakel et Médine » : on limite le nombre des points d’échange afin d’assurer plus efficacement la protection. Au contraire, dans les traités conclus en 1877 ou 1879, grâce « à vingt et un ans d’une paix profonde, » ces restrictions ne sont plus nécessaires : désormais « le commerce des gommes se fera librement et partout, » soit à terre, soit à bord des embarcations, soit dans nos établissemens. En même temps, les coutumes, maintenues, mais régularisées par les traités Faidherbe, disparaissent ; elles sont remplacées par une indemnité fixe, annuelle, payable par trimestre et que le commandant de chaque forteresse est chargé de verser au chef maure le plus voisin de sa circonscription.

Parallèlement aux opérations contre les Maures s’était poursuivie, sur la rive gauche, la guerre contre les états ouolofs et peuhls. Le plus rapproché de notre chef-lieu, celui-là même sur le territoire duquel est bâti Saint-Louis, le royaume de Oualo, avait été conquis en 1855. La reine, après nous avoir sommés d’évacuer les îles qui sont comme les faubourgs de cette ville, avait dû se réfugier dans le Cayor. On avait pensé d’abord à laisser au Oualo son autonomie en lui donnant un autre roi ; mais en présence de l’obstination des chefs à se considérer comme les sujets du roi des Trarzas, on s’était vu dans la nécessité, en décembre 1855, d’annexer le pays. Il fut divisé en cinq cercles qu’administrèrent des chefs nommés par nous.

Avant d’aller plus loin, on eut à lutter contre un prophète qui s’éleva tout à coup sur le haut fleuve. El-Hadji-Omar, c’est-à-dire Omar le Pèlerin, à qui son voyage aux villes saintes d’Arabie avait acquis le droit de porter le turban vert, était né au village d’Aloar, près de Podor. Il était de race toucouleure ; il recruta d’abord ses adhérens parmi les populations toucouleures, dans le sud du Fouta, au pays de Dinguiray. La question d’El-Hadji, que nous réduisîmes ensuite à n’être plus qu’une question soudanienne, fut donc, à l’origine, une question sénégalaise.

L’objectif d’El-Hadji ou Alagui, comme l’appelaient les indigènes, c’étaient les pays encore païens, situés alors beaucoup à l’est de nos possessions ; mais il avait des partisans dans les pays musulmans qui nous avoisinaient. L’agitation qu’entretenaient ses émissaires dans le Fouta, le Bambouc, le Boundou, le Guoy, annonçait suffisamment