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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/671

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mais elles peuvent se ramener à deux grandes divisions. D’abord, les plus anciens indigènes du pays : Bambaras dans le Kaarta, le Bélédougou, le Bakhounou ; Malinkés ou Mandingues, dans le Manding, le Bambouk, le Bouré ; Soninkés ou Saracolets, cantonnés surtout autour et en avant de Bakel. Ces races, tour à tour, ont été prédominantes dans la région et y ont fondé, à leur moment historique, de grands empires. Aujourd’hui elles ne présentent nulle part une organisation un peu étendue. Les Soninkés ne connaissent que la vie par villages : la vie municipale, pourrait-on dire. Les Bambaras et les Malinkés ont vu périr presque tous les états qu’ils avaient fondés : leur royaume de Ségou a été détruit par El-Hadji. Depuis lors, ils forment seulement de petites confédérations, d’une très faible étendue, comprenant quelques villages, dont l’un, fortifié et transformé en tata, devient le village-chef. Ces confédérations, dont on peut citer comme type celle de Kita, autour de Makandiambougou, ne dépassent pas l’étendue d’un de nos cantons. Il n’y a rien qui ressemble à une existence nationale, car les guerres et les pillages sont continuels entre confédérations d’une même race, même entre villages d’une même confédération. L’autre élément ethnographique, le plus récent, celui dont on peut fixer l’arrivée dans le pays à une date qui coïnciderait avec les premières invasions musulmanes dans l’Afrique orientale, ce sont les Peuhls ou Pouls. Ils sont arrivés de la région du Nil ou de l’ancienne Libye, car l’on trouve un type identique au leur sur les monumens égyptiens. C’étaient des peuples essentiellement pasteurs et nomades. Dans la région sénégalaise, ils sont devenus sédentaires. En outre, de leurs mélanges avec les anciens indigènes est née une race nouvelle, toute aussi intelligente qu’eux, mais bien plus énergique, bien plus belliqueuse, douée d’une certaine faculté d’organisation depuis qu’elle a adopté la loi de Mahgom, ayant d’ailleurs fait un islamisme à son image, transformé le Koran en évangile de pillage et les tolba (lettrés) en talibés. Ce sont les Toucouleurs. Ayant à leur tête le prophète El-Hadji, ils ont élevé ce vaste empire qui, un moment, s’est étendu sur toute la région comprise entre Médine et Tombouctou et habitée surtout par les races malinké et bambara. C’est grâce à la supériorité de leur armement, de leur cavalerie, grâce surtout à l’unité d’action que leur communiquait le fanatisme religieux, qu’ils ont pu ravager le Kaarta, le Bélédougou, le Manding, le pays de Bammako, en un mot, les pays qui sont actuellement ou qui seront prochainement soumis à notre influence. La conquête a été extrêmement violente : les habitans mâles étaient massacrés, les femmes et les enfans emmenés comme esclaves. Après la prise des tata, on terrifiait le pays par des exécutions en