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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/205

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mais contre la mort. Je puis assurer, comme témoin oculaire, qu’il se tenait à cheval avec une peine extrême ; et, s’il n’avait eu à ses côtés deux laquais pour le soutenir, il serait tombé plus d’une fois ; ce qui n’empêchait pas que, avec le courage invincible dont il était doué, il ne s’efforçât de rester ferme sur ses étriers et ne fit la meilleure contenance possible, en ôtant son chapeau, selon sa courtoisie accoutumée, pour saluer ceux qui le regardaient, »

La conduite de Philippe II était enveloppée d’un tel mystère que toute la conspiration contre Farnèse (si le mot était permis) resta ignorée jusqu’au moment où le savant archiviste du royaume de Belgique, M. Gachard, fouilla les archives de Simancas. Philippe avait prudemment ordonné au comte de Fuentes et au duc de Sesa, les seuls ministres qui eussent été mis dans la confidence, de brûler toutes les dépêches qu’il leur envoyait ; il avait ordonné au secrétaire du marquis de Cerralbo de rapporter à Madrid le bureau où étaient les papiers de cet envoyé, sans l’ouvrir, ni permettre que personne ne l’ouvrit.

Le 3 décembre 1592, Alexandre Farnèse rendit le dernier soupir à Arras. On porta son corps en grande pompe dans l’église de Saint-Vaast, et, suivant les ordres qu’il avait donnés, on le revêtit de l’habit de capucin. Il fut transféré plus tard dans l’église de la Paix, à Parme, où il avait marqué sa sépulture. Dès que Philippe II reçut la nouvelle de la mort de Farnèse, sa première pensée fut de cacher au pape les intentions qu’il nourrissait à son endroit et son projet de lui enlever le gouvernement des Pays-Bas espagnols. Il écrivit à son ambassadeur à Rome de brûler tous les papiers qu’on lui avait envoyés, et dans lesquels la conduite du prince de Parme était peinte des plus noires couleurs, Farnèse, mort n’était plus gênant, et il suffisait de se parer de la gloire de celui qui s’était montré un des plus grands capitaines de son temps, qui avait arraché définitivement les Pays-Bas espagnols à la maison d’Orange, qui avait pendant deux ans fait reculer la fortune d’Henri IV. Moins fidèle à son roi, moins scrupuleux, plus disposé à écouter les ouvertures du roi de France, de la reine d’Angleterre, des Hollandais, le prince de Parme aurait peut-être pu se rendre indépendant et fonder, dans les dernières années du XVIe siècle, une Belgique libre. Il ne lui eût pas été bien difficile de garder les provinces qu’il avait remises sous l’obéissance de l’Espagne, Mais, soit que la principauté de Parme, où pourtant il ne mit jamais les pieds, lui parût suffisante, soit que la gloire militaire suffît à son ambition, soit qu’il fût retenu par une sorte de timidité qu’on trouve quelquefois chez les hommes de guerre les plus hardis, il ne songea jamais à porter la main sur une part quelconque