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de tranquillité à l’intérieur et au dehors, et de plus une influence efficace sur les affaires de l’Europe. Peut-être sa conduite privée ne fut-elle pas irréprochable ; du moins elle ne se laissa jamais guider par des volontés étrangères. A peine cette grande souveraine était-elle descendue dans la tombe, que la situation changeait par l’effet du caractère timide et irrésolu de son successeur. Il y avait deux partis à la cour ; celui de la guerre, à la tête duquel était Raleigh, voulait soutenir les Hollandais contre la maison d’Autriche, fût-ce au prix d’une guerre. L’autre, dont le chef était Cecil, déjà ministre sous Elisabeth, préférait une politique moins aventureuse. Le premier était plus populaire ; le second, à défaut de popularité, devait chercher un appui à l’extérieur, un nouvel ambassadeur d’Espagne, don Juan de Taxis, venait d’arriver à Londres, avec mission d’acheter les adhésions. Cecil, demeuré ministre de Jacques Ier, ne refusa pas, dit-on, la pension que lui faisait offrir Philippe III, Mais si Cecil consentait à recevoir une subvention de l’étranger pour maintenir la paix, parce qu’il savait parfaitement qu’en temps de guerre, l’influence d’hommes d’épée tels que Raleigh et ses compagnons, l’emporterait sur la sienne, il ne voulait point cependant livrer son pays au parti catholique, dont le roi d’Espagne était le principal inspirateur. Il le voulait d’autant moins que ses compatriotes, restés fidèles au pape, n’avaient pas moins que les protestans la haine de l’influence espagnole.

Quelle était, en effet, la situation des catholiques anglais à cette époque ? A l’avènement d’Elisabeth, nous raconte M. Hepworth Dixon, il y avait une corporation catholique dans le royaume, mais il n’y en avait qu’une. Pendant son règne, une seconde apparut. Les premiers étaient des catholiques anglais, les autres furent des catholiques romains, et ces deux sectes d’une même église se trouvèrent, au début du règne de Jacques Ier, non-seulement séparées, mais bien plus, en état d’hostilité. Au premier de ces deux partis appartenaient les milliers de familles qui, dans chaque comté, que les événemens fussent favorables ou contraires, restaient fidèles aux croyances de leurs ancêtres, parce que ces croyances étaient intimement associées à toute leur existence sociale et intellectuelle. Leurs pères avaient inséré dans la charte du roi Jean un article portant que l’église devait être libre ; ils en étaient encore là. Ils respectaient le pape, mais ils lui déniaient le droit de dicter la loi aux habitans de l’Angleterre ; ils déclinaient son autorité en matière temporelle, Ils avaient leurs fêtes et leur liturgie, autres que les fêtes et la liturgie romaines, et c’était à leurs yeux l’un des élémens constitutifs de leur église nationale.

Les autres, peu nombreux, étaient les prosélytes que les jésuites avaient détournés de l’église anglicane. Néophytes trop ardens, on