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leur reprochait de s’être convertis plutôt par passion ou par haine que par conviction religieuse. Qu’un noble échouât à la cour, qu’un cadet de famille eût à se plaindre de son père, qu’un soigneur de comté dissipât sa fortune, se voyant obligé de changer de vie, il changeait aussi de religion pour cacher ses fautes on ses malheurs sous une apparence de persécution. Les anciens catholiques étaient de cœur avec leurs compatriotes protestans dans tous les événemens qui touchaient à leur vie nationale, à la guerre aussi bien qu’en temps de paix. Les nouveaux convertis se mettaient sous la direction des jésuites, inféodés à la politique des rois d’Espagne.

Les jésuites n’avaient peut-être pas plus d’un millier de partisans en Angleterre, tandis que les catholiques anglais formaient presque la moitié de la population. Ceux-ci comptaient dans leurs rangs un tiers des pairs, La moitié des gentilshommes campagnards, les deux tiers des paysans. Ce n’est pas en un an, ni même dans un siècle, qu’un grand pays change de religion. La réforme n’avait à elle que les villes, et encore les anciennes croyances y conservaient-elles beaucoup d’adhérens.

Cet exposé de la situation de l’Angleterre, au commencement du XVIe siècle, est-il exact ? Hepworth Dixon ne fait-il pas revivre à une autre époque, par un effort de son imagination, le fantôme du jésuitisme dont tant de cerveaux sont hantés de notre temps ? Les intrigues qui agitèrent Londres pendant les premières années du règne de Jacques Ier sont si compliquées, que l’historien a peine à en démêler les inspirateurs. D’un côté, les jésuites sont compromis dans la conspiration de Guy Fawkes, qui a pour but de faire sauter le parlement avec le roi et les ministres. D’autre part, le premier ministre Cecil est à la solde du roi d’Espagne. Puis, lord Grey, un ami de Raleigh, conspire avec des catholiques pour renverser les ministres. Kepworth Dixon veut que l’Espagne ait suscité tous ces événemens, tenu les fils de toutes ces intrigues. Peut-être un historien plus impartial n’y verrait-il qu’une preuve de l’habileté de Cecil, comte de Salisbury, qui compromettait ses ennemis tous ensemble, opposait les jésuites à Raleigh, les catholiques aux protestans et se ménageait pour lui seul les bénéfices d’une entente secrète avec le roi d’Espagne.

Satisfaire les catholiques sans irriter les réformés ; contenir les jésuites et leurs partisans : se montrer en apparence l’ami des protestans d’Allemagne et de Hollande, auxquels l’opinion publique était favorable, et cependant rechercher l’alliance du roi d’Espagne : telle fut en vingt-deux ans de règne toute la politique de Jacques Ier. Il avait trop du sang des Guises dans les veines pour ne pas rester catholique de cœur, tout en étant le souverain d’une nation protestante. Aussi son vœu le plus cher était-il de marier