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qu’on trouve dans les procès-verbaux de la commission d’enquête parlementaire sur la situation des ouvriers de l’industrie, nommée par la défunte assemblée, et dans ceux de la commission extra-parlementaire des associations ouvrières nommées en 1883 par le ministre de l’intérieur. C’est un peu la mode en notre pays de lancer des épigrammes contre les commissions d’enquête, et je ne voudrais pas répondre que moi-même je m’en sois toujours abstenu. Mais s’il est difficile de ne pas se laisser aller à un peu de raillerie vis-à-vis de ces commissions aux ambitions démesurées, qui faute d’avoir su se borner n’ont pas su écrire… leur rapport en temps utile (tel est en particulier le cas de la commission d’enquête parlementaire), il serait d’un autre côté tout à fait injuste de ne pas leur savoir gré des informations précieuses qu’elles ont pris la peine de recueillir pour nous. Rien ne vaut, en effet, sur ces questions difficiles le témoignage d’hommes qui viennent vous raconter avec ingénuité, les uns leurs chimères et leurs mécomptes, les autres leurs efforts et leurs récompenses. C’est à l’aide de ces documens divers et avant de tirer de ces études une conclusion générale que je voudrais demander d’abord à la coopération, puis à la participation aux bénéfices, le secret des espérances qu’elles ont fait naître et en discuter le bien-fondé.


I

Qui donc a dit qu’une question bien posée est à moitié résolue ? S’il en est ainsi, cherchons à définir ce qu’on entend par coopération. A ne consulter que l’étymologie, le mot de coopération voudrait dire tout simplement travail en commun. Il y aurait coopération toutes les fois que deux ou plusieurs personnes travaillent à une même œuvre. Coopérateurs en ce sens seraient le musicien qui a composé la partition d’un opéra et l’auteur dramatique qui a écrit le libretto ; coopérateurs également l’architecte qui a conçu le plan de la nouvelle façade du Palais de Justice, l’entrepreneur de maçonnerie qui a exécuté ce plan sous la surveillance de l’architecte, et les ouvriers des différens corps d’état qui y ont travaillé sous les ordres de l’entrepreneur ; coopérateurs enfin le fabricant qui a imaginé un meuble d’un nouveau modèle, le menuisier qui en a assemblé les morceaux, l’ébéniste qui y trace des incrustations, le sculpteur qui ajoute des moulures. Est-ce là ce que, dans la langue économique moderne, on entend par coopération ! Non seulement ce n’est pas cela, mais c’est presque le contraire. On appelle coopération une association contractée entre travailleurs manuels qui ont contribué à la fabrication d’un produit ou à l’exécution d’une entreprise, en vue de vendre directement ce produit ou de