de sa jeune femme, Kaméhaméha IV se prêta de bonne grâce à ses projets. Préoccupée de l’avenir de la race havaïenne, de la décroissance constante de la population, elle prit l’initiative de la fondation d’un hôpital national et réunit par ses efforts et ses contributions personnels un capital assez considérable pour créer et assurer le maintien d’un vaste établissement construit et outillé d’après les données les plus récentes de la science, dirigé par des médecins bien rétribués et auquel ta population reconnaissante donna le nom d’hôpital de la Reine.
Très imbue des idées anglaises sur le rôle et les devoirs de la femme, Emma était sévère pour elle-même et pour les autres Ce n’était pas chose facile de réformer dans l’entourage du roi les mœurs dissolues, tradition d’un passé encore bien récent, et de convertir en une cour correcte l’assemblage assez hétérogène de jeunes chefs et de jeunes étrangers que la conformité des goûts et des amusemens groupait autour d’un roi jeune lui-même et amoureux de plaisirs. Si rapides qu’eussent été les progrès faits par la race indigène, si favorablement accueillis qu’eussent été les enseignemens des missionnaires, ils n’avaient pu changer en quelques années le fond même de la nature d’une population sensuelle. C’était déjà beaucoup pour les missionnaires d’avoir obtenu, comme ils l’avaient fait, une décence apparente, d’avoir contraint le vice à se dissimuler, d’avoir gagné à leur foi et converti à leur morale une grande partie des indigènes.
Kaméhaméha IV était un de leurs adeptes les plus sincères. Les dogmes du christianisme avaient séduit et charmé son imagination. La nature délicate et fine répugnait aux traditions grossières de la théogonie kanaque, mais il n’avait pu secouer entièrement le joug des vices héréditaires. En dépit de lui-même, il se laissait ressaisir à certains jours par les passions violentes et brutales de sa race et de son sang. Il se plongeait alors dans l’orgie, noyant sa raison dans l’eau-de-vie, s’abandonnant aux instincts sensuels qui sommeillaient en lui. Terrible dans sa colère et ses comportemens, il rougissait, la crise passée, des excès auxquels il s’était laissé entraîner et dont sa santé délicate subissait longtemps le contre-coup. Les crises étaient rares ; laissé à lui-même, il les eût peut-être évitées, mais il avait dans son intimité, comme amis et aides-de-camp des jeunes hommes de son âge, Américains et Anglais, adonnés eux aussi, au vice de la race angle-saxonne, qui l’entraînaient par leur exemple et faisaient naître l’occasion pour satisfaire leurs passions et réveiller les siennes. L’influence de la reine le retenait sur cette pente dangereuse ; il l’aimait sincèrement ; mais imbue des traditions du respect et de la soumission que les femmes devaient