avant d’avoir fait ses essais, ses expériences et goûté les premiers verres du vin de son cru.
Malheureusement, cette dépense n’est pas la seule qu’on doive prévoir. Dès la troisième année de plantation, sinon dès la seconde, il faudra bâtir une cave, acheter des foudres, des tonneaux, etc. Toute cette « vaisselle vinaire, » jointe à la construction du chai, double largement les frais d’établissement d’un vignoble, surtout quand on opère sur de modestes quantités. Muids et futailles coûtent environ 10 francs par hectolitre, soit 2,500 francs pour loger les 250 hectolitres que notre colon sera en droit d’atteindre dès la quatrième année. Un chai de 2,500 francs n’est pas une merveille et suffira difficilement si, au lieu de 50 hectolitres par hectare, la Providence en envoie 80 ou 100 ; quand on a eu la précaution de bâtir sa maison sur cave, on peut y placer ce surcroit de biens. En pareil cas, les petites gens font comme ils peuvent. Il est déjà si difficile d’ajouter ces 5,000 francs de matériel aux 5,000 de plantation !
Faute de se rendre compte de l’élévation de cette nouvelle dépense, nous savons que bien des colons sont tombés dans l’embarras. Ils ont eu du raisin sur souche, du vin prêt à faire et rien pour le loger ! Il en est qui demandent à vendre leurs vignes à peine créées ; les ayant déjà hypothéquées au maximum, ils ne parviennent pas à emprunter aux usuriers les moyens d’en recueillir les fruits !
Si nous nous souvenons que notre colon a déboursé 14,000 fr. pour se procurer une terre, une maison, un mobilier et vivre pendant quatre ans, nous devrons conclure qu’il lui faut 24,000 francs d’avances pour faire sa première vendange productive en Algérie.
Los résultats probables répondront-ils à l’étendue de ces sacrifices ? On l’assure. Les produits du raisin, d’après les nombreux essais déjà tentés, sont de 40 à 100 hectolitres de vin par hectare. Adoptons le chiffre modeste de 50 hectolitres en moyenne. Les prix de vente ont varié entre 20 francs et 50 francs l’hectolitre, suivant les qualités. Supposons une moyenne basse de 26 francs, on aura encore un produit brut de 1,250 francs à l’hectare. Le petit cultivateur, qui laboure, taille et vendange en partie sa vigne lui-même, la maintiendra en bon état par un travail dont la valeur ne dépassera probablement pas 250 francs par hectare. On voit qu’il devrait lui rester 1,000 francs de bénéfice net pour un déboursé total de 2,000 francs, matériel compris. c’est un taux de 50 pour 100. Ils ne sont donc pas en dehors du possible, ces propriétaires d’Algérie qui affirment avoir encaissé dès leur première année de récolte (la quatrième après plantation), tout le coût de leur vigne ; et, dès la seconde, tout le prix de leur matériel. À partir de la sixième année de plantation, le produit devient gain pur, le capital étant remboursé intégralement, sauf peut-être la valeur du sol.