de Société de 89 et qui avait pris une importance soudaine depuis la scission entre les membres du premier club des jacobins. Le but que se proposaient les adhérens à cette société était de développer, de défendre et de propager les principes d’une constitution libre. On y trouvait inscrits, non-seulement les députés du tiers état les plus célèbres, mais des publicistes éminens, des savans, des hommes de lettres. Il y avait là Bailly, Beaumetz, Monge, Lavoisier, Pastoret, Récamier, Siéyès, Thouret, Rœderer, Ramond, Garat, Emmery, Barnave, Duquesnay, Dupont (de Nemours), Suard, Rulhière, Piscatory, Lecoulteux, Lacretelle, A. Chénier, Chapelier, Duport, les Trudaine. La rupture avec les démagogues étant définitive, les constitutionnels fondèrent, plus tard, dans les bâtimens jadis occupés par les feuillans, sous le nom d’Amis de la constitution, une réunion semblable à la première. Quelques personnages nouveaux s’y adjoignirent : Beugnot, Quatremère, Regnault, Michaud, Boissy (d’Anglas), Goupil de Préfeln, Fulchiron, Ginguené, Gouy.
Ils avaient créé un organe de publicité sous le nom de Journal de la société de 89. L’Avis aux Français d’André Chénier, les pages les plus éloquentes de ce noble esprit y parurent. L’Ami des patriotes offrit ensuite l’exposé fidèle des idées politiques de la haute bourgeoisie ; enfin, lorsqu’un groupe d’hommes de cœur résolut de lutter dans la presse contre l’influence grandissante des jacobins, ce fut le Journal de Paris qui devint le dernier organe des opinions modérées. C’est à ces feuilles souvent éloquentes, c’est aux rapports de l’Assemblée, aux souvenirs recueillis dans la retraite, encore plus qu’aux harangues de la tribune qu’il faut demander les projets, les pensées politiques des chefs de la bourgeoisie jusqu’au 10 août 1792. A partir de cette date mémorable, leur parti est vaincu et dispersé ! Il n’y aura plus que des efforts isolés. Les jeunes iront encore jusqu’aux girondins. L’abîme après le 30 mai fut irrévocablement creusé ! Comme disait André Chénier : « j’ai goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués ; s’ils triomphent, ce sont gens par qui il vaut mieux être pendu qu’être regardé comme ami. »
Si les tendances, dans ce milieu constitutionnel, étaient entièrement démocratiques, les opinions n’étaient pas républicaines. Personne, dans cette génération enthousiaste et désintéressée, ne songeait en 89 à renverser la monarchie héréditaire et à lui substituer une autre forme de gouvernement. Comment donc ces honnêtes gens entendirent-ils unir la royauté à la démocratie, constituer une société politique qui réalisât leurs aspirations libérales, répondît à leur raison, à leur besoin de justice, à leur amour du droit commun ? Jamais tâche ne fut plus difficile.