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pénétrer dans ses murs. L’armée d’invasion l’entourait de toutes parts. Muyden, dernière place restée fidèle à sa cause, venait de se rendre, après une défense honorable. Le 9 octobre, le duc de Brunswick fit établir ses batteries. Le bombardement devait commencer à midi. On lui fit connaître l’accord formé à La Haye, il consentit à attendre. Le 10 au matin, il signa la capitulation, et prit possession dans la soirée de la principale porte d’Amsterdam. Le 12, sur la proposition du conseil renouvelé par les orangistes victorieux, les troupes stathoudériennes entraient dans la ville et désarmaient les corps francs. La révolution était terminée.

Quelques jours plus tard, malgré les déclarations formelles de son manifeste au moment de l’entrée en campagne, malgré le texte également net de la capitulation d’Amsterdam, le roi de Prusse annonçait au duc de Brunswick que la cité rebelle devait payer tous les frais de l’expédition. Une telle demande pourrait servir de morale an récit de cette aventure. Elle fut retirée sur le conseil du duc et remplacée par la requête d’une large gratification accordée aux troupes. s’il faut en croire M. de Pfau, elles n’avaient perdu que 211 hommes durant leur promenade militaire. Est-il besoin de dire la joie de Guillaume V et de la princesse, l’enthousiasme des stathoudériens, l’orgueil profond de sir James Harris?

L’on devine les fêtes données aux vainqueurs de la Hollande. Une médaille frappée en l’honneur du duc de Brunswick lui fut remise par les états. Ses principaux officiers la reçurent. Par décision royale, ils furent autorisés à porter sur leur justaucorps un ruban orange. Les patriotes, au contraire, persécutés dans la plupart des villes, fuyaient en grand nombre une patrie où ils ne trouvaient plus la sécurité. La populace déchaînée s’unissait aux soldats prussiens, jusqu’alors retenus par la discipline, pour piller et dévaster les maisons abandonnées. La petite ville de Zierickzée, en Zélande, était aux trois quarts détruite par les bandes ameutées contre elle. A Amsterdam même, les patriotes étaient menacés. Les commissaires de Woerden eurent une dernière réunion chez M. de Witt, qui allait partir pour la France. Avant de se séparer, ils attestèrent que toujours ils avaient été d’accord, que toutes leurs résolutions n’avaient été inspirées que par l’amour pour leur malheureux pays. MM. de Capellen, de Pallandt, Bicker, Abbema suivirent l’exemple de M. de Witt. Le nombre des émigrés hollandais, en France, fut si considérable qu’on dut songer à créer des régimens nouveaux pour employer les officiers et les soldats sans ressources. Toutes les classes de la société était représentées parmi les fugitifs. Pour atténuer le déplorable échec de la politique française, l’on accorda des secours aux victimes les plus malheureuses