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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/463

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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : 1802, dialogue des morts, par M. Ernest Renan. — Odéon : 1802, à-propos en yers, par Mlle Simone Arnaud.

Une fête anniversaire, le 26 février, à la Comédie-Française! Qui est donc né ce jour-là? Corneille, Racine ou Molière? Non, mais Victor Hugo. Il est mort, comme chacun le sait, depuis une dizaine de mois; la piété de ses fidèles juge bon de ne pas attendre davantage pour instituer cette cérémonie; le premier 26 février qui passe, on le marque de ce glorieux signe, un à-propos de M. Renan, Quelqu’un s’étonne que, pour moduler ce noël, on ait appelé ce chantre extraordinaire; il y a treize ans à peine, l’auteur de l’Antéchrist, pour donner une idée du caractère de Néron, écrivait ceci : « Qu’on se figure un homme à peu près aussi sensé que les héros de M. Victor Hugo, un personnage de mardi gras, un mélange de fou, de jocrisse et d’acteur... » Notre étonné s’écrie que l’auteur de 1802, « dialogue des morts, » doit avoir oublié ces lignes. j’estime qu’il s’en souvient, au contraire; et c’est justement à cause d’elles que je trouve ingénieux et sage le choix qu’on a fait de lui. s’il faut que Victor Hugo, parce qu’il fut un grand poète, et parce que la Comédie-Française est un lieu public et sonore, soit célébré en ce jour à la Comédie-Française; s’il faut même qu’il y soit honoré parce qu’il produisit naguère sur les planches une œuvre qui ne fut pas inutile, du moins il convient que celui-là soit chargé de cet office qui juge les figures de cette œuvre avec tant de prudence et d’esprit. Sans doute, il fêtera le saint de la bonne manière et ne fera son éloge que par où il faut; d’ailleurs, un pareil témoignage vaudra plus que tel autre moins discret : il prouvera que, sans être dupe, un ami des lettres françaises, même au théâtre, peut encore saluer ce génie.

Cette preuve n’est pas superflue, il faut le dire, dussions-nous scandaliser quelque amateur de beaux vers, heureusement éloigné, pour le salut de ses illusions, de la Comédie-Française et de la Porte-Saint-Martin. Il est des astres qui s’éteignent ; mais leurs rayons parviennent