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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/582

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les Pays-Bas. « Seuls, les Flamands et les Hollandais, dit M. Taine, ont aimé les formes et les couleurs pour elles-mêmes ; ce sentiment dure encore ; le pittoresque de leurs villes et l’agrément de leurs intérieurs en donnent la preuve, et l’art dernier, à l’exposition universelle, on a pu voir que l’art véritable, la peinture exempte d’intentions philosophiques et de déviations littéraires, capable de manier la forme sans servilité et la couleur sans barbarismes, ne subsistait guère que chez eux et chez nous. »

C’est à la vivacité de ces instincts que les primitifs flamands doivent la première et la plus haute de leurs qualités, ce coloris si profond, si chaud, si lumineux, propre à embarrasser et à décourager les meilleurs coloristes de l’Italie du XVe siècle, les Ombriens et jusqu’aux Vénitiens.

La situation faite à la peinture par l’architecture ne pouvait que développer le goût de productions à la fois petites, quant à leurs dimensions, éclatantes, quant à leur effet, de ces chefs-d’œuvre de fini qui ne le cèdent pas à la miniature la plus achevée. Le style gothique, en multipliant les creux et les saillies, en fractionnant à l’excès les surfaces planes, amoindrissait fatalement le rôle de la peinture d’histoire. Tout au plus la bande étroite qui s’étend au-dessus du triforium, ou les segmens des voûtes d’arête pouvaient-ils recevoir un petit nombre de figures isolées. Constatons, à ce sujet, que, si l’Italie a pris les plus étranges libertés avec le style gothique, elle l’a surtout fait au point de vue des exigences de la peinture. Dans les églises d’Assise, de Sienne, de San-Gemignano, de Florence, de Padoue et de tant d’autres villes de l’Ombrie, de la Toscane ou de la Haute-Italie, les architectes ont, avec l’ardeur la plus louable, poursuivi ce double problème : obtenir le plus de champ possible pour développer des fresques monumentales, le plus de lumière possible pour les éclairer. Dans ce pays du soleil et de la vie en plein air, ils auraient été inexcusables de ne pas ouvrir leurs monumens tout grands à la fresque, le procédé de peinture à la fois le plus expéditif et le plus durable.

Dans les Flandres, outre que les architectes de l’école gothique montraient moins de complaisance, les exigences du climat, le manque de lumière, l’exiguïté des appartemens, s’opposaient au développement de la peinture monumentale (les vitraux peints et les tapisseries sont eux-mêmes fractionnés à l’excès). Force fut donc aux artistes comme aux amateurs de se contenter de productions en miniature, mais qui, sous le pinceau d’un Van Eyck, atteindront à la puissance d’une grande page d’histoire, car le spectacle de la force ainsi concentrée, et en quelque sorte latente, nous frappe souvent plus que celui de la force arrivée à son maximum