Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/825

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fleurs de bombax, jusqu’à des folioles éparses de sensitive. Des épillets de graminées, de frêles corolles d’une sorte de bourrache, de petites graines surmontées d’un panache sont venues se perdre en flottant sur l’eau pêle-mêle avec des ailes de fourmis mâles, détachées d’elles-mêmes dans le cours de l’été, avec des araignées, des insectes surpris dans le vol et même un papillon demeuré célèbre (Cyllo sepulta) parce qu’il a gardé un reflet de ses couleurs. M. Scudder, de Boston, a démontré récemment les affinités de ce papillon avec un type vivant sud-africain ; c’est le plus ancien lépidoptère authentique dont on ait encore connaissance.

Cette rapide énumération ne donne qu’une légère esquisse de l’ensemble ; mais un tableau moins incomplet demanderait des pages pour peu qu’on voulût en accentuer les traits. Les mammifères terrestres, hôtes assidus de ces plages lacustres, ont laissé dans le gisement contemporain de Gargas, près d’Apt, un ossuaire d’où l’on n’a cessé, depuis un demi-siècle, d’extraire et de dégager des portions de leurs squelettes, accumulés par milliers dans une gangue marno-charbonneuse, qui accuse l’existence d’une tourbière ou d’une fondrière marécageuse, au sein de laquelle auraient été enfouis les restes des animaux perdus, que la mort de ceux-ci ait été naturelle ou due à des accidens, à des inondations répétées, noyant les pâturages où ils vivaient en troupes nombreuses. Les paléothériums, anoplolhériums, xiphodons, etc., reconstitués originairement par. le génie de Cuvier et qui se montrent à Gargas similaires de ceux des carrières de Montmartre, ne sont, à proprement parler, ni des pachydermes ou des équidés définis, ni de véritables ruminans : comparables, mais de loin seulement, d’une part, à nos rhinocéros et à nos chevaux, de l’autre, à nos cervidés et surtout à nos chevrotains, ils n’offrent encore qu’une structure et un régime ambigus. Ils paraissent avoir recherché les rameaux tendres et les bourgeons, avoir été friands de racines succulentes, de rhizomes de nénuphars en particulier ; certains d’entre eux rongeaient les cônes de plus à la façon des loirs et des écureuils. Enfin, la rencontre d’une chauve-souris a fait voir qu’il existait des insectivores.

L’étude des enchaînemens que révèle l’anatomie comparée démontre clairement, il est vrai, que les paléothériums conduisent aux jumentés, de même que les anoplothériums et xiphodons représentent la souche des ruminans actuels, mais ces groupes, déterminés dans ce que leurs caractères ont de décisif, n’apparaîtront que beaucoup plus tard, tellement l’ensemble des mammifères terrestres est encore éloigné du terme et la voie qu’ils devront parcourir à peine inaugurée. Les frontières des principales sections tendent pourtant à se dessiner et la distance entre les types tridactyles et tétradactyles ira en s’élargissant, séparant de plus en