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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/209

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française dans les mauvais jours du règne de Louis XV ont offert au monde de tristes spectacles. N’est-ce pas le comte de Cavour qui a déclaré qu’il préférait une mauvaise chambre à la meilleure des anti chambres ?

La philosophie grecque enseignait à ses disciples, il y a quelque deux mille ans, que les gouvernerons mixtes sont les mieux appropriés aux besoins permanens des sociétés, les moins exposés aux funestes aventures. Aristote engageait les tyrans à s’occuper beaucoup des intérêts populaires, les oligarchies à se faire pardonner leurs privilèges en les faisant servir au bien commun, et il déclarait que la meilleure des démocraties n’est pas la plus démocratique, mais la plus durable Tout gouvernement, quelle que soit sa forme et son principe est tenu de réagir contre ses inclinations naturelles, de trouver quelque contrepoids pour garder son équilibre. Un état démocratique, incapable de produire quelques-unes de ces vertus qui font fleurir les aristocraties, se condamne à une fin précoce et peu glorieuse. M. Maine remarque « qu’il y a une contradiction inconciliable entre une armée scientifiquement disciplinée et un pays où tout le monde est électeur que la première des vertus militaires est l’obéissance, que le premier droit d’un électeur est de censurer tout ce que font ses gouvernans » Il y a des contradictions qui tuent, il en est d’autres qui font vivre et aussi longtemps que la France aura une véritable armée elle y trouvera un puissant correctif aux abus de cet esprit d’égalité extrême que Montesquieu considérait comme la perte assurée des républiques Si M. Maine avait employé son intelligence ingénieuse et sagace are chercher quelles institutions une démocratie doit adopter pour ne pas verser du côté où elle penche, comment elle doit s’y prendre pour se tempérer elle-même, quelle conduite doivent tenir ses classes dirigeantes pour conserver leur influence et donner du poids à leurs conseils, il aurait écrit un livre moins piquant peut-être, mais plus instructif, d’où l’on pourrait tirer quelque doctrine salutaire.

Un poète persan, d’humeur chagrine, disait : « La nuit dernière je passai dans le désert de Thous ; je vis un hibou perché à l’endroit où jadis perchait le coq. Je lui dis : « Quelle nouvelle m’apportes-tu du désert ? La nouvelle, me répondit-il, la voici : Malheur ! Malheur ! » — Le chant du coq, qui réveille les endormis dans un siècle où il est défendu de dormir, nous parait plus utile que le hôlement funèbre de la chouette, fût-elle une de ces chouettes savantes et lettrées oui aiment à nicher parmi les marbres du Parthénon, un de ces oiseaux nocturnes chers à Pallas Athéné et tout remplis de sa divine sagesse


G. VALBERT.