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LE ROI.

Crûment ? Non. Je suis roi. Ça suffit…

Voilà le thème ; ou encore :

Moi Je plains Dieu ; peut-être on le calomnia,
Je voudrais l’opérer ; il a pour ténia
La religion. Rome exploite son mystère ;

et là-dessus, il va, cent, deux cents, trois cents vers durant, n’ajoutant rien à ce qu’il a dit, mais épuisant les synonymes, en inventant au besoin de nouveaux, se répandant en épithètes, en périphrases, en calembredaines jusqu’à ce que le dictionnaire lui manque, en quelque sorte, avec le souffle, et les gros mots avec l’haleine. Évidemment, dans cet état d’esprit, n’étant qu’à demi conscient, il n’est aussi qu’à moitié responsable des choses qu’il dit. Ce n’est qu’un accès de cette manie d’amplification et de grandiloquence à laquelle tout rhéteur est sujet. Et si ce n’est pas sans doute un Dieu, c’est un démon qui l’échauffé et qui s’agite en lui, qui parle par sa bouche et qui l’empêche de la taire, le démon de la phrase et de l’exagération, celui qui préside aux paroles inutiles, aux phrases creuses et aux déclamations sonores. C’est ce cacodémon qui lui a dicté jadis les Châtimens, et depuis, sans parler du reste, une bonne partie du Théâtre en liberté.

Un autre lui en a dicté l’autre ; et c’est le démon qui lui avait soufflé les Chansons des rues et des bois. Et, en effet, ce grand poète aura bien été dans notre siècle un poète de l’amour, mais de l’amour sensuel, bas et grossier. Il y avait en lui du « satyre » ou de « l’égipan, » si peut-être, comme je le pense, il eût préféré ce nom plus mythologique. Déjà, dans les Feuilles d’automne, dans les Chants du crépuscule, un peu partout dans son œuvre, on eût pu signaler de singulières aberrations du sens moral, mais elles y sont cependant assez rares, et, après tout, pour les y trouver, il fallait les y chercher. Dans les Xhansons des rues et des bois, on dirait que celui qui fut Olympio, connaissant désormais le néant de toutes choses, a décidément placé, pour parler la langue de M. Zola, dans la satisfaction de a l’instinct génésique » la grande ou plutôt l’unique affaire de l’humanité, et qu’il a pris pour unique devise le distique justement fameux :

Le craquement du lit de sangle
Est un des bruits du paradis.

Si, d’ailleurs, l’étonnement de voir sous ce nouvel aspect et dans ce rôle de Roger Bontemps « l’être incliné » qui naguère

Demandait à la nuit le secret du silence,