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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/407

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trésor indien. L’Inde a des remises considérables à faire en Angleterre, et une partie de sa dette, contractée pour les travaux publics et les chemins de fer, est payable en or. Elle se voit d’autant moins en état d’acheter, et par conséquent d’autant plus appauvrie, que sa monnaie intérieure a perdu de sa valeur. si l’on admettait ce principe, qu’une monnaie dépréciée constitue un avantage pour un pays, on devrait en tirer la conclusion que la Russie n’est jamais plus prospère que lorsque le rouble baisse, la République argentine et le Brésil que quand leur papier à cours forcé perd une fraction nouvelle de sa valeur nominale. On en devrait induire également que tous les pays qui, se trouvant il y a cinq, dix ou quinze ans, comme l’Italie et les États-Unis, au régime du papier-monnaie, ont voulu reprendre les paiemens en espèces, se sont trouvés faire un marché de dupe, puisqu’en substituant une monnaie plus forte et plus stable à une autre plus faible et plus variable, ils auraient rendu plus difficiles leurs exportations. Qu’au premier abord, un affaiblissement graduel et lent de la valeur monétaire chez un peuple puisse aider dans une certaine mesure au développement des exportations, on le peut admettre ; mais c’est là un phénomène transitoire ; bientôt tous les prix se nivellent, les salaires et les émolumens divers se relèvent ; et l’avantage temporaire qui résultait pour les producteurs et les exportateurs de la dépréciation de la monnaie disparaît. Si le commerce extérieur de l’Inde s’est sensiblement développé depuis quinze ans, si l’exportation du blé a passé de 1,755,000 centners anglais en 1873-74, à 6,340,000 centners en 1877-78, à 19,863,000 centners en 1881-82, et à 14,151,000 en 1882-83, si également de 1873-84 à 1882-83 l’exportation du riz indien s’est accrue de moitié (31,031,000 centners contre 19,805,000), on peut indiquer à ces augmentations des causes beaucoup plus palpables, plus précises et plus certaines que la baisse de l’argent. Ces causes, les voici : le développement considérable du réseau des chemins de fer indiens, l’existence du canal de Suez et la réduction constante de ses tarifs, enfin l’avilissement du fret maritime. Les chemins de fer, les bateaux à vapeur, ce sont les grands niveleurs des prix : rien n’approche de leur action. En 1870, l’Inde anglaise ne possédait que 4,775 milles anglais, soit 7,650 kilomètres de voies ferrées, étendue insignifiante au milieu d’un si énorme empire. Graduellement ce réseau s’accroît : en 1882, il atteint 10,144 milles anglais, 16,250 kilomètres. Il a encore augmenté depuis lors, de sorte que, à l’heure actuelle, il est à peu près triple de ce qu’il était en 1870. On semble oublier qu’aux Indes, comme dans la plupart des contrées neuves, les chemins de fer sont d’introduction toute récente. Le canal de Suez aussi est