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il invectiva les autorités ; comme un enfant mutin, il se roulait par terre, distribuait des ruades et poussait des rugissemens d’épileptique, il piétinait sur sa gloire, il se précipitait de son piédestal en reniant sa nationalité, en revendiquant sa qualité de sujet américain[1]. Lorsque les défenseurs de Ney, pour sauver sa tête, soutinrent que, par la cession de Sarrelouis à la Prusse, il avait perdu sa nationalité, le maréchal les interrompit en s’écriant : « Je suis Français et je mourrai Français ! »

Le 6 novembre, nos soldats rentraient à Rome, silencieux, insensibles aux acclamations qui éclataient sur leur passage. Soumis à leur devoir, ils avaient combattu pour une cause qui ne les passionnait pas. M. Jules Favre, toujours prêt à dénigrer l’empire et son armée, n’en disait pas moins à la tribune qu’ils avaient ramassé les morceaux de l’encyclique pour en faire des bourres à leurs chassepots.

Le pape prescrivait le lendemain la tenue d’une chapelle pontificale au Vatican en mémoire des morts. Quand, à la fin de la cérémonie, Pie IX voulut prononcer les dernières prières, l’émotion le saisit, les larmes brisèrent sa voix. Pleurait-il les quelques soldats qui étaient restés sur le champ de bataille en défendant son pouvoir temporel, ou songeait-il aux milliers de patriotes qui, depuis 1867, avaient versé leur sang pour réaliser les espérances ravivées en Italie par son avènement au trône pontifical ?

L’attitude résolue du gouvernement de l’empereur en face de la révolution italienne impressionna vivement l’Europe ; on fut frappé par l’énergie et la promptitude de la répression. On admira notre armement, l’organisation et le rapide embarquement du corps expéditionnaire. « Les balles de nos chassepots, écrivait un de nos agens, ont fait ricochet en Allemagne. » Notre prestige, si profondément atteint depuis Sadowa, se releva subitement. On comprit que la France n’était pas encore descendue au rang de seconde puissance, qu’elle était résolue à faire respecter ses droits et sa dignité. La Prusse s’émut, l’Autriche, la Bavière et le

  1. Dépêche télégraphique du baron de La Villestreux. — « Garibaldi, au moment de son arrestation à Figline, s’est jeté et roulé par terre en déclarant qu’il était sujet américain et que personne n’avait le droit de le toucher. Il a fallu l’enlever de force et le porter dans la voiture qui l’a emmené. Le matin, le ministre d’Amérique s’est rendu chez M. Menabrea et lui a demandé d’avoir pour Garibaldi tous les égards que comporte sa position. Le premier secrétaire de la légation a été autorisé à se rendre à Varignano. Le cabinet est contrarié de cette intervention, mais le président du conseil maintient sévèrement les ordres donnés ; la nouvelle de l’arrestation n’a pas troublé Florence. »