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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/445

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Wurtemberg reprirent confiance dans l’avenir, et l’Italie, qui si souvent avait abusé de nos sympathies, apprit à compter avec nous. Les crainte d’une intervention éventuelle de la Prusse ne s’étaient pas justifiées. M. de Bismarck, dans ses entretiens avec M. Lefebvre de Béhaine, notre chargé d’affaires à Berlin[1], persistait à parler avec désinvolture de l’Italie et des Italiens. Les propos que sa diplomatie tenait à Florence et même à Paris au moment où l’empereur manifestait l’intention de faire respecter la convention de septembre n’avaient pas la portée que M. Nigra et ses amis se plaisaient à leur donner. Le comte de Goltz et le comte d’Usedom cédaient à leurs penchans personnels qui les portaient vers l’Italie. Ils étaient, du reste, promptement rappelés à une attitude plus circonspecte. Leurs instructions, reflétées par la Correspondance provinciale, leur enjoignaient de ne pas nous inquiéter par des propos énigmatiques. Le chancelier n’avait aucune envie de sortir de sa réserve ; l’Italie, à ce moment, n’entrait qu’indirectement dans son échiquier diplomatique, il ne se souciait pas de s’aliéner les consciences catholiques allemandes ; il semblait pressentir ce qu’il en coûte de rompre ouvertement avec l’église. Le pétitionnement en faveur du saint-siège se généralisait ; les manifestations prenaient, à Cologne et en Westphalie, un caractère inquiétant. Des pétitions étaient adressées au roi de tous côtés, le suppliant de sauvegarder la liberté et l’indépendance du trône pontifical. Il est vrai que le prince royal et ses amis défendaient à la cour, non pas la cause de Garibaldi assurément, mais celle de l’Italie. Il en coûtait à l’héritier du trône d’abandonner aux ressentimens de la France une puissance qu’il tenait pour une alliée éventuelle de la Prusse ; il aurait voulu que le gouvernement de son père sortît de sa réserve et témoignât hautement l’intérêt qu’il portait à l’unité italienne. Il s’appuyait sur le discours que l’empereur François-Joseph avait prononcé à Paris, à l’Hôtel de Ville, sur l’intimité de ses rapports avec la cour, des Tuileries, pour demander au roi et à M. de Bismarck de s’entendre avec l’Angleterre et de ne pas laisser échapper l’occasion de donner à l’Italie un gage non équivoque des sympathies allemandes. Mais le roi et son ministre ne sacrifiaient pas au sentiment. Ils n’étaient nullement disposés à se départir du programme qu’ils s’étaient tracé après l’entrevue de Salzbourg ; ils entendaient rester étrangers à toute complication extérieure, et masquer le jeu de leur politique, tant que la Prusse ne se serait pas assimilé ses nouvelles conquêtes, et tant que les armées du Nord et du Midi ne se seraient pas fusionnées dans une même organisation. Tout les conviait à ne rien précipiter.


G. ROTHAN.

  1. M. Benedetti était à Paris en congé.